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Archaeopteryx

Depuis sa découverte en 1861, Archaeopteryx lithographica est le sujet de multiples controverses. Pièce maîtresse dans la théorie darwinienne, ses caractères intermédiares évidents en font une cible privilégiée des détracteurs de la théorie de l'évolution.
Un examen plus ou moins approndi du squelette d' Archaeopteryx suffirait à débouter, d'un seul coup d'ailes, toute conclusion créationniste, et les plus intéressants débats sur Archaeopteryx portent en fait sur des détails de son anatomie ; de son aptitude à voler ; de sa position dans la lignée reptilienne ayant conduit aux oiseaux ; et sur sa parenté avec les différents "taxons reptiliens" (*).

Archaeopteryx, volatile controversé

Ou l'intermédiare structural par excellence

Nous allons apporter quelques éclaircissements détaillés sur ce "volatile", - appelons-le provisoirement ainsi -, avant d'en situer plus précisément sa probable position taxonomique. Mais comme notre communication vise aussi à réduire à néant les objections tendancieuses d'une certaine élite créationniste, quelques objections totalement loufoques seront ainsi traitées parmi d'autres questions plus intéressantes...
Les créationnistes se servent d'informations mensongères et d'approximations honteuses ne cherchant qu'à désinformer pour amener l'idée de création divine des espèces et, finalement, une louange à la véracité de leurs livres saints... C'est une régression intellectuelle, une démarche prosélyte à ne pas confondre avec celle de certains ornithologues - un peu retors parfois - qui veulent éprouver les différents modèles d'évolution proposés. Cette dernière démarche est scientifique, mais la première est dogmatique et n'a rien à voir avec la rigueur scientifique : la "théorie créationniste" de la biodiversité n'a jamais été étayée par le moindre élément, cette nouvelle appellation de la genèse biblique ne visant qu'à dissimuler leur intoxication parmi les théories scientifiques... C'est une tromperie de plus.

 

Description d' Archaeopteryx ("aile ancienne")

Fossilisé dans des sédiments extrêmement fins, le premier fossile d' Archaeopteryx sp. a laissé des empreintes de plumes clairement visibles autour du squelette, et six autres spécimens dont une nouvelle variété en 1992, Archaeopteryx bavarica, ont été découverts depuis. De la taille d'un pigeon, il vivait probablement dans les arbres, se nourrissant des insectes qu'il y trouvait, se déplaçant d'arbre en arbre à la fois en battant des ailes et en planant. Il se posait occasionnellement sur le sol et utilisait ses doigts crochus aux griffes fort développées pour grimper aux arbres.
L'Archaeopteryx attrapait-il ses proies à la course ou les recherchait-il dans les arbres, s'aidant de ses doigts griffus ?

Plume d'Archaeopteryx - agrandir l'image

 

Ses caractères d'oiseau volant ¬
- Ses ailes remarquablement développées, similaires à celle des oiseaux volants modernes [A].
- Son plumage : des rémiges asymétriques avec des plumules à la base - découpage typique des plumes qui démontre la spécialisation et aptitude d' Archaeopteryx pour le vol. Les plumes d'oiseaux modernes inaptes au vol, de même que celles retrouvées récemment chez les dinosaures à plumes, sont symétriques.
- La position basse de son orteil retourné [B].
- Bassin (ischion et pubis) orientés vers l'arrière [C].

Bassins de dinosaures ¬

THEROPODA
Coelophysis
TETANURAE
Allosaurus
MANIRAPTORA
Velociraptor
AVIALAE
Archaeopteryx
AVES
Columba

 

Ses caractères d' intermédiaire structural ¬
- Absence de bréchet véritable, mais peut-être en "ébauche", avec un sternum formé par la jonction des 2 clavicules sur lequel venaient s'insérer les muscles de vol [D].
- L'alignement des rectrices (grandes plumes de sa queue) à raison d'une paire par vertèbre (et non pas en éventail comme chez les oiseaux actuels). [E]

Schéma 
FossiliséAgrandir
NégatifAgrandir
Squelette (profil) 
Détails du squelette 

 

Ses caractères "archaïques" de dinosaurien théropode ¬
- Les pattes à 3 doigts opposés à l'orteil retourné (dirigé vers l'arrière) [B]. Il n'y a pas de tarsométatarsien complexe, mais les trois métatarsiens centraux sont libres les uns par rapport aux autres sur presque toute leur longueur, n'étant probablement soudés qu'à leur extrémité proximale. La fusion avec les éléments du tarse était aussi imparfaite.
- Les ailes pourvues de 3 doigts griffus, chacun bien séparé des autres (contrairement aux oiseaux actuels chez qui ils sont partiellement soudés) [F].
- Les mâchoires aux petites dents pointues placées dans des alvéoles (remplacées chez les oiseaux par un bec corné et édenté).
- Une longue queue osseuse : 25 vertèbres présacrées libres, 6 vertèbres dans la région sacrée et une vingtaine non soudées dans la queue (la queue des oiseaux modernes est réduite à un "moignon", le pygostyle) [G].
- Museau comportant des narines moins allongées, et placées plus en avant que chez l'oiseau.
- Fosse préorbitaire plus grande et présence d'un postorbitaire et d'un postfrontal.
- Mandibule placée assez haut en arrière.

Hormis les proportions des ailes très similaires aux oiseaux modernes, le squelette d' Archaeopteryx ressemble de façon étonnante à celui d'un petit dinosaure bipède comme le coelurosaure Compsognathus, et la plupart des paléontologues pensent ainsi qu'il dériverait de ce type de dinosaures théropodes, comme les dromaeosauridés, les célèbres dinosaures à griffe.
La ressemblance de leur squelette est telle que le "premier" spécimen d' Archaeopteryx découvert en Allemagne, en 1851, fut confondu avec celui de Compsognathus, jusqu'à ce que l'on remarque l'empreinte des plumes ultérieurement, le rapprochement avec Archaeopteryx ayant été constaté...
Cela démontrerait-il l'incompétence des systématiciens ? Pas vraiment, ce serait plutôt un premier élément à conviction de la flagrante parenté entre Archaeopteryx et les dinosaures théropodes. Nous en verrons d'autres plus en avant.
Mais quelles objections peut-on déjà exclure à partir de ces éléments ?

 

Objection : Les fossiles d' Archaeopteryx sont une imposture !

En 1985, les astronomes britanniques Fred Hoyle et N. C. Wickramasinghe avaient suggéré que de nombreuses modifications étaient le résultat de virus extra-terrestres qui avaient infecté les organismes et induit de nouveaux caractères. Ils insinuèrent que l'évolution des oiseaux et des mammifères, ainsi que la disparition des dinosaures, étaient dues à une pluie virale à la fin du Crétacé. Archaeopteryx, datant de plus de 80 millions d'années avant le Crétacé supérieur, prouve l'inexactitude de cette théorie. Hoyle et Wickramasinghe ont alors prétendu que les spécimens d' Archaeopteryx étaient des faux. On a toutefois facilement prouvé qu'ils étaient bien authentiques, et la revue Science réagit vivement à l'époque par un article démontrant l'authenticité d' Archaeopteryx.
Les derniers exemplaires découverts ont définitivement balayé les accusations de Hoyle et Winckramasinghe qui sont ainsi passés à la postérité pour leur mauvaise foi.

 

Objection : Archaeopteryx est simplement une espèce d'oiseau disparue, et non pas l'étape entre les oiseaux et les reptiles (1) !

Nous avons déjà abordé ce faux problème dans les précédentes pages de ce chapitre : Archaeopteryx n'est pas l'ancêtre des oiseaux modernes, mais le représentant d'une branche parallèle illustrant un stade intermédiaire (entre théropodes et oiseaux modernes). Il y eut d'autres étapes (ou stades) avant, et après Archaeopteryx...

« La phylogénie n'exprime pas la notion d'ancêtre à descendant, mais la notion de parenté (qui est plus proche de qui), un intermédiaire n'est donc pas un ancêtre. Un être vivant ou un fossile ne peut être qualifié d'intermédiaire que lorsqu'il présente une collection de caractères uniques parmi les êtres vivants connus.
Pour évacuer toute ambiguïté sur le mot "intermédiaire", on parle d'intermédiaire structural. Celui-ci se place dans un arbre phylogénétique non pas à un noeud, mais au bout d'une branche qui lui est propre, placée entre deux branches déjà connues (voir schéma ci-dessous). Un organisme - actuel ou fossile - qui serait comme un puzzle de couleur blanche, et un autre doté des mêmes pièces agencées entre elles pareillement, mais de couleur noire. Un intermédiaire serait un puzzle doté des mêmes pièces, mais certaines seraient blanches et d'autres noires. Par exemple, l' Archaeopteryx est un intermédiaire en ce sens que la faune qui était connue avant sa découverte était constituée d'un côté de dinosaures théropodes (puzzle blanc : pas de plumes, pas de fourchette, pas de bréchet, une queue, des dents), et de l'autre des oiseaux modernes (puzzle noir : plumes, fourchette, bréchet, absence de queue et de dents). L' Archaeopteryx présente une mosaïque de traits originale, composée d'éléments tantôt de l'un tantôt de l'autre. »
(Réf. G. Lecointre)

 

Situation d' Archaeopteryx

Archaeopteryx peut ainsi se situer entre la branche des théropodes classiques et celle des oiseaux comme une branche à part entière - une branche soeur des oiseaux modernes. La recherche d'intermédiaires entre des classes définies d'organismes désignent un faux problème pour des raisons méthodologiques. Il n'y a donc pas d'intermédiaires-ancêtres à trouver mais des intermédiaires structuraux à définir. Les Archaeopteryx et les oiseaux de l'ère secondaire, tout comme les poissons à poumons et bien d'autres, sont des intermédiaires structuraux. Les probabilités de trouver "les ancêtres réels" des chaînes généalogiques étant infimes en paléontologie, on se "contente" fort bien des intermédiaires structuraux pour confirmer ou infirmer les "modèles généalogiques".

Dans ce cladogramme des Coelurosaures, les taxons (*) (ou branches) disparus sont en rouge, et les séparations entre les branches (noeuds) sont indiqués par un point noir.
L'objection à la théorie de l'évolution consistant à dire qu'il n'y a pas d'intermédiaires entre les grandes classes d'organismes peut très bien ne jamais en finir, et la recherche avance malgré ceux-ci : les lignes noires sont la représentation de cette succession d'ancêtres.
Archaeopteryx fait partie dans ce cladogramme des "oiseaux au sens large" (Avialae : oiseaux modernes et archaïques), tout comme l'ensemble des oiseaux et des dromaesauridés fait ici partie des dinosaures théropodes coelurosauriens.

Nous sommes déjà familiarisés avec les clades (*), examinons maintenant les éléments qui étayent et confirment, affinent, ou infirment ce premier clade ci-dessus proposé.

 

Analyses cladistes sur Archaeopteryx

Thomas Huxley, le célèbre défenseur de Darwin, fut le premier à proposer, en comparant un membre postérieur de Megalosaurus à celui de l'autruche, que les oiseaux descendent du groupe des théropodes. La controverse commence : les théropodes n'ayant pas de clavicules, comment les oiseaux pourraient-ils les avoir récupérées ? Un organe perdu ne se recrée pas... Et l'hypothèse de Huxley fut abandonnée…
En 1924, la publication d'un dessin anatomique d' Oviraptor (un théropode à tête de perroquet) montrant une fourchette passe inaperçue, puis en 1936, à l'Université de Berkeley, Charles Camp découvre le squelette complet d'un petit théropode du Jurassique inférieur (de 210 à 170 millions d'années) qui possède des clavicules. Des travaux plus récents démontrent, plus généralement, la présence de clavicules chez de nombreux théropodes apparentés aux oiseaux.

Clavicules de théropodes ¬

THEROPODA
Coelophysis
TETANURAE
Allosaurus
MANIRAPTORA
Velociraptor
AVIALAE
Archaeopteryx
AVES
Columba

À la fin des années 1960, un siècle après la communication controversée de Huxley à la Société géologique de Londres, John Ostrom, de l'Université Yale, décrit le squelette du théropode du groupe des maniraptoriens Deinonychus, prédateur aux griffes en faucille et grand comme un adolescent humain, qui rôdait dans le Montana il y a 115 millions d'années. J. Ostrom identifie un ensemble de caractères communs aux oiseaux, dont Archaeopteryx et Deinonychus, et à d'autres théropodes, mais que ne possèdent pas d'autres reptiles (1). Il en déduit que les oiseaux descendent directement des théropodes.

Poignet et main de dinosaures théropodes ¬

SegisaurusAllosaurusVelociraptorArchaeopteryxColumba

Dans les années 1970, la cladistique n'est pas suffisamment répandue, et J. Ostrom ne l'utilisera pas. En revanche, dix ans plus tard, à l'Université de Berkeley, Jacques Cauthier entreprend une vaste étude cladistique des oiseaux, des dinosaures et de leurs parents reptiliens, en se fondant sur les comparaisons de J. Ostrom et sur bien d'autres caractères. Il confirme que les oiseaux descendent de petits dinosaures théropodes, et le maniraptorien aux griffes en faucille décrit par J. Ostrom, Deinonychus, est bien l'un des plus proches parents des oiseaux.

Nouveau cladogramme des dinosaures théropodes ¬

SegisaurusAllosaurusVelociraptorArchaeopteryxColumba
  1er orteil retourné - Queue à moins de 26 vertèbres : AVES
  Os du poignet en demi-lune : MANIRAPTORA
  Main à 3 doigts : TETANURAE

 

Os creux - 3 orteils fonctionnels : THEROPODA

Aujourd'hui, le cladogramme de la lignée qui conduit des théropodes aux oiseaux montre que le clade (*) des oiseaux (Aves) comprend Archaeopteryx et tous les descendants de l'ancêtre hypothétique (groupe frère d'archaeopteryx). Ce clade est inclus dans le clade plus large des théropodes maniraptoriens, lui-même inclus dans celui des théropodes tétanoures, descendants des théropodes les plus primitifs ; ces derniers ont eux-mêmes évolué à partir de dinosaures non théropodes. Ce cladogramme montre que les oiseaux ne sont pas seulement les descendants des dinosaures : ce sont des dinosaures à part entière, donc des reptiles (1).
Les oiseaux ne sont pas plus différents des autres reptiles diapsides que les hommes ne le sont des autres mammifères.

 

Objection : Les théropodes sont apparus trop tard pour donner naissance aux oiseaux !

Cette objection ne tient plus depuis la récente découverte de petits maniraptoriens contemporains d' Archaeopteryx. Mais déjà l'objection n'en était pas vraiment une puisque des théropodes anciens avaient été découverts, précédant Archaeopteryx de plus de 30 millions d'années, dont Procompsognathus est un excellent exemple structurel. Archaeopteryx descendrait donc de théropodes primitifs, qui ont irradié vers diverses voies évolutives, dont celle donnant les oiseaux. De plus, des lacunes dans la continuité des fossiles ne sont pas un argument valable : il est fort probable que d'autres gisements de fossiles encore plus anciens seront découverts, qui compléteront cette discontinuité de fossiles. Les dinosaures à plumes, dont on parlera pour conclure, viendront eux aussi étayer, compléter, et confirmer cette parenté.

 

Les dinosaures théropodes inventèrent la plume puis découvrirent le vol !

On a longtemps pensé que seuls les oiseaux avaient des plumes. Mais la découverte de dinosaures à plumes en Chine démontre le contraire. Ces spécimens soulèvent également des questions quant au rôle préadaptatif des plumes. Ces dinosaures ne pouvaient pas voler car ils ne possédaient que quelques touffes de plumes symétriques dispersées sur leurs mains et leur longue queue osseuse. Le corps était également couvert de duvet, d'autres enfin avaient un plumage bien plus développé sur les pattes arrière, ce qui leur permettait peut-être de planer avec leurs 4 membres étendus. Ces dinosaures à plumes non volants, contemporains d' Archaeopteryx confirment l'utilisation des plumes pour diverses fonctions ainsi que leur apparition bien avant le vol, ce qui était prédit par la théorie de l'évolution : l' organe crée les fonctions.
- La fonction d'isolation thermique est la plus évidente, mais les plumes sur la crête et les mains devaient probablement servir pour la parade sexuelle, et sans doute aussi pour la reconnaissance de l'espèce. On connaît de multiples autres fonctions du plumage chez les oiseaux modernes...
La physiologie des oiseaux a dû s'adapter pour répondre aux besoins énergétiques nécessaires au vol :
- L'appareil respiratoire est devenu plus efficace et grâce à une disposition unique de plusieurs sacs aériens séparés des voies respiratoires, l'air circule de façon continue dans leurs poumons.
- Les oiseaux sont endothermes et leur niveau d'énergie ne varie pas avec la température ambiante, l'isolation thermique étant fournie par les plumes. Il est néanmoins probable que l'endothermie ait précédé la capacité de voler chez les théropodes.
Tous ces éléments physiologiques dont ne témoignent pas précisément les fossiles (organes mous internes non fossilisables et fragilité du squelette des oiseaux), la paléontologie des oiseaux ne fournit hélas pas autant de fossiles que pour d'autres créatures.

 

Objection : Le système respiratoire si complexe des oiseaux ne peut avoir évolué à partir du poumon des théropodes !

Cette objection qui paraît pertinente est en fait une des plus absurdes car le poumon des théropodes n'a jamais été fossilisé. Au vu de tous ces caractères aviens préexistant déjà chez les théropodes disparus, et suivant cette même logique (oiseaux = théropodes spécialisés pour le vol), on peut déduire que les poumons des théropodes étaient assez proches des poumons des premiers oiseaux, et précurseurs par certaines "prédispositions anatomiques" de l'évolution future du taxon (*) des oiseaux (sacs respiratoires, etc.).
En l'absence d'éléments fossilisés, on ne peut trancher, et actuellement les poumons des oiseaux n'ont aucun équivalent chez aucun groupe animal.

 

Les oiseaux, ces dinosaures spécialisés pour le vol

Les études de J. Gauthier et d'autres paléontologues démontrent que de nombreux caractères qui étaient classiquement considérés comme spécifiques aux oiseaux sont apparus avant ceux-ci, chez leurs ancêtres théropodes, voire plus tôt encore. Ces caractères, qui étaient des adaptations des dinosaures terrestres, furent conservés ou modifiés; les modifications permirent le vol et un mode de vie arboricole. Dresser la liste de tous ces caractères serait trop long : nous nous contenterons ici de passer en revue, dans leur ordre d'apparition, ceux qui sont associés à l'apparition du vol. Naturellement, l'apparition des caractéristiques des théropodes qui précédèrent les oiseaux ne fut pas simultanée ; certaines apparurent même avant les théropodes.

 

Objection (et hypothèse alternative) : L'ornithologue Alan Feduccia a découvert, en observant le développement de foetus d'autruche, que les trois doigts des ailes des oiseaux actuels ne correspondent pas aux doigts I, II et III des membres antérieurs des théropodes, mais aux doigts II, III et IV ! Les oiseaux ne descendraient ainsi pas de dinosauriens théropodes.

a Alligatorb Autruche

 

D'abord quelque peu surprise par cette "singularité", la communauté scientifique ne fit pas grand cas de cette réfutation unique qui semblait s'opposer (et même anéantir) à une phylogénie très solide et déjà bien établie par tant d'indices et homologies pointant tous vers l'origine théropodienne des oiseaux.
En 1999, Wagner - un biologiste du développement - et Gauthier, un des pionniers du cladisme, acceptent pour la première fois la numérotation II, III, IV des doigts des oiseaux et proposent une hypothèse de nature à préserver la filiation entre théropodes maniraptoriens et oiseaux. Elle fait appel à une transformation homéotique qui serait survenue au cours de l’évolution des théropodes : les condensations préchondrogéniques CII, CIII, CIV auraient obéi à la loi de Morse (perte possible des doigts I et V) mais les doigts définitifs auraient changé d’identité (CII => DI; CIII =>DII, CIV => DIII). Ultérieurement, plusieurs travaux indépendants démontrent que par manipulation génique (Hox, Shh, Gli3...) il est possible - dans les conditions expérimentales - d’obtenir une transformation homéotique «antérieure» des condensations II, III, IV en doigts définitifs DI, II, III. Ainsi donc, l' homeotic shift (et la numérotation II à IV) peuvent être situés et positionnés dans la phylogénie traditionnelle - l'accident de développement étant situé sur le tableau ci-dessous chez les théropodes (à 3 doigts):


 

a Dinosaurien ancestral à 5 doigts
b Perte du doigt CV
c Perte du doigt C I, puis changement d'identité des doigts II à IV (homeotic shifts)

 

Détails supplémentaires sur ce processus : [ http://www.pubmedcentral.nih.gov/articlerender.fcgi?artid=21825 ]

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Récapitulatif en guise de conclusion

Premiers théropodes.
« L'ancêtre reptilien direct des dinosaures théropodes est un petit carnivore bipède qui marche comme un oiseau.
- Ses mains sont libres pour saisir des objets ou des proies, et le plus long doigt est le deuxième, non le troisième comme chez les autres reptiles (*). Il a toutefois cinq doigts par main, alors que presque tous les théropodes primitifs et les oiseaux en ont trois.
Chez cet animal, l'articulation de la cheville est déjà en charnière, et les métatarses sont allongés, relevés : l'animal marche, comme les dinosaures après lui, sur la pointe des pieds et il place un pied devant l'autre au lieu de ramper. Les nombreuses modifications ultérieures du pied permettent probablement une foulée plus longue et plus rapide, qualité qui aidera ultérieurement les théropodes à s'envoler.
- Les premiers théropodes présentent des adaptations qui allègent leur squelette : des os creux et des cavités dans le crâne.
- Comme les oiseaux actuels, leur cou est long et leur dos horizontal. Le quatrième doigt de la main des premiers dinosaures est déjà réduit, et le cinquième doigt a déjà presque disparu. Le quatrième doigt devient bientôt un moignon, puis les deux doigts réduits disparaissent ensemble chez les théropodes tétanoures ; les trois doigts restants fusionnent au cours de l'évolution des oiseaux postérieurs à Archaeopteryx.
- Les membres postérieurs des premiers théropodes se transforment aussi. Ils s'allongent : le fémur devient plus long que le tibia, et la fibula se réduit (l'équivalent du péroné humain - chez les oiseaux actuels, la fibula est une fine baguette osseuse dans le pilon).
- Ces dinosaures marchent sur les trois doigts du milieu, ceux qu'utilisent les oiseaux actuels. Le cinquième orteil, sans articulation, est raccourci et effilé. Le premier orteil, qui dépasse sur le côté du deuxième orteil, est formé d'un os raccourci, d'une articulation et d'une griffe. Il est placé au-dessus des autres orteils. (Lorsque Archaeopteryx apparaît, cet orteil a tourné et est placé derrière les autres ; chez les oiseaux plus récents, il sera plus bas sur la patte, opposable aux autres orteils, et il permettra au pied d'agripper fortement les branches).
»

Les Théropodes évoluent
« - Puis au cours de l'évolution des théropodes, d'autres caractères qui semblaient être l'apanage des oiseaux apparaissent. Par exemple, le membre antérieur et la ceinture pectorale se modifient, favorisant d'abord la capture de proies, puis l'envol.
- Les bras s'allongent, sauf chez les carnivores géants, tels Carnotaurus, Allosaurus et Tyrannosaurus : chez les théropodes primitifs, le membre antérieur est deux fois plus court que le membre postérieur, mais, lorsque Archaeopteryx apparaît, le membre antérieur est plus long que le membre postérieur, et cette différence s'accentue encore chez les oiseaux plus récents, auxquels cet allongement confère un battement d'ailes plus puissant.
- La main aussi s'allonge, occupant progressivement une plus grande proportion du membre antérieur, et le poignet est remodelé. Les théropodes primitifs ont un os du poignet aplati, qui chevauche la base des premier et second os de la paume et les doigts. Chez les maniraptoriens, cet os a une forme en demi-lune le long de la surface de contact avec les os du bras. Cette forme en demi-lune est importante : elle permet à ces animaux de plier le poignet latéralement, et plus seulement verticalement. Ainsi, ils peuvent presque replier leur longue main comme le font les oiseaux actuels avec leurs ailes. Cette main allongée peut aussi être tournée et brusquement projetée vers l'avant pour la capture d'une proie.
- La ceinture scapulaire (ensemble des os placés au niveau des épaules) des théropodes primitifs est composée d'une scapula (omoplate) longue et étroite, d'un coracoïde (os qui, associé à la scapula, forme l'articulation de l'épaule) arrondi et de deux clavicules indépendantes, en forme de S, qui relient l'épaule au sternum. La scapula s'allonge ensuite et s'affine, comme le coracoïde, qui s'étire ainsi vers le sternum. Les clavicules fusionnent sur leur ligne médiane et s'élargissent jusqu'à former une fourchette en forme de boomerang (voir schéma clavicules).
- Le sternum des tétanoures s'ossifie en deux plaques qui fusionnent, à l'origine il est cartilagineux. L'ensemble de ces modifications consolide le squelette. Plus tard, ce renforcement soutient les muscles du vol ; la fourchette devient un point d'ancrage pour les muscles du membre antérieur, permettant d'abord de saisir, puis de voler.
Dans la région du bassin, des vertèbres s'ajoutent à la ceinture pelvienne, et l'orientation du pubis (l'os qui est attaché devant l'articulation de la hanche, sous cette dernière) change chez les premiers théropodes, comme chez la plupart des reptiles, le pubis pointe vers l'avant et vers le bas ; puis il recule et, chez les oiseaux plus évolués qu' Archaeopteryx, devient parallèle à l'ischion (l'os du bassin qui pointe vers l'arrière). Nous ignorons ce qui a favorisé cette évolution, mais le partage de ces caractéristiques par les oiseaux et par d'autres maniraptoriens témoigne de leur origine commune.
- Au cours de l'évolution des théropodes, leur queue raccourcit et se rigidifie, devenant un balancier plus efficace pendant la course. Steven Gatesy, de l'Université Brown, a montré que cette transformation est associée à un changement de fonction : l'ancrage des muscles des membres postérieurs passe de la queue au bassin. Chez les maniraptoriens, les muscles qui tiraient les pattes vers l'arrière peuvent alors contrôler la queue. Chez les oiseaux qui évoluent après Archaeopteryx, ces muscles semblent utilisés pour diriger la queue, couverte de plumes, pendant le vol.
»
(réf.: American Scientific et autres sources)

Ainsi les plumes (confirmé par les récentes découvertes en Chine), comme de nombreux caractères qui étaient autrefois considérés comme caractéristiques des oiseaux étaient déjà présents chez les théropodes. On l'a déjà souligné, mais c'est extrêmement important pour comprendre les mécanismes évolutifs : Ces caractères sont associés à des fonctions différentes chez les théropodes et chez les oiseaux, mais leur présence a permis l'apparition du vol et d'autres comportements des oiseaux, telle la vie dans les arbres.

Rafael, Gino, Sûryâ, Hans

Glossaire

* Reptiles : La classe des reptiles telle que considérée classiquement est un groupe paraphylétique. Il est utilisé dans cette page avec son acceptation moderne et phylogénique, comprenant les anapsides (tortues) et les diapsides (lépidosauriens et archosauriens), donc comprenant les oiseaux. Les archosauriens sont le taxon de diapsides à fossette préorbitaire, soit les dinosaures (comprenant les oiseaux), les crocodiliens et les ptérodactyles.
* Taxon, ou clade : c'est un groupe comprenant la totalité des descendants d'une espèce ancestrale.

( Détails nécessaires à la compréhension et à la terminologie de ce chapitre, in situ : Introductiom et fossiles )

Sources
American Scientific, Science,
Voir aussi réf. articles divers et autres ouvrages: Lecture sciences.
Illustrations : Ed Heck

 

 

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