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PARTIE I - IntroductionL'Évolution, une évidence observable
Partie II L'Embryologie, mémoire de l'évolution
Partie IVVestiges et Fossiles, traces de l'évolution
Partie VL'Anatomie comparée, les homologies
Partie VILes Imperfections de la Nature
Partie VIILes Gènes et Molécules
Partie VIIIL'Expérimentation
Partie IXLa Biogéographie
Partie X - ConclusionLes Spéciations

L'EMBRYOLOGIE
Preuves à conviction de l'évolution

Autres PreuvesAutres preuvesAutres Preuves

 

Le monde vivant nous émerveille par l'extraordinaire diversité des individus qui le composent : diversité des formes, des adaptations physiologiques à l'environnement, des habitats, des comportements. Diversité aussi dans les modalités du développement d'un individu. Pourtant, l'embryologie nous apprend que, sous la variété, se cache une remarquable homogénéité. D'un groupe animal à l'autre, du pluricellulaire le plus primitif à l'animal le plus évolué, le développement se déroule selon les mêmes schémas d'ensemble, dans lesquels se retrouvent les mêmes étapes principales.
Cependant que certaines différences de développement embryonnaire interlignées, ou des altérations de la chronologie du développement, sont à leur tour d'importants mécanismes évolutifs, expliquant de profondes différences entre taxons frères...

 

La formation "soudaine" des ailes de Chauve-souris
Preuves à conviction, sous les yeux, de l'évolution

La formation des ailes de chauves-souris peut apparaître comme un processus des plus évolutivement complexes, au résultat étonnant - l'aptitude au vol - mais ne faisant appel qu'à quelques petites modifications embryologiques : d'une part un allongement des doigts des membres antérieurs, et d'autre part une membrane interdigitale non résorbée, restant à l'état embryonnaire car ne subissant pas l'apoptose qui, durant le développement de l'embryon, sculpterait les 5 doigts pour les séparer. Ces changements de développement sont peut-être mineurs, mais ses conséquences anatomiques sont énormes. Ci-dessous une synthèse en quelques éléments des deux étapes cruciales.

En avril 2006, l'équipe de Karen Sears a démontré que la surexpression d'un seul gène au niveau des pattes antérieures des chauve-souris était responsable de l'allongement des doigts ! Il s'agit du désormais célèbre gène Bmp2, de la famille des bone morphogenetic proteins. Sans l'action de ce gène, les chauve-souris auraient des doigts d'une longueur proportionnelle, équivalente à celle des autres mammifères de la même taille. Si on compare un foetus de souris à celui d'une chauve-souris, à un état précoce de leur dévelopement, leurs membres antérieurs se ressemblent fortement :

Bras de foetus de chauve-souris Bras de foetus de souris

Les différences observées commencent à apparaître par la suite, et sont corrélées à une surexpression du gène Bmp2, uniquement aux pattes antérieures, donnant un extrême allongement des doigts.

Un des problèmes posés par cette démonstration de K. Sears, est que Bmp2 est aussi impliqué dans l'initiation de l'apoptose de la membrane interdigitale. Or la membrane ne disparaît pas chez les chauve-souris. La question était donc : par quel(s) facteur(s) ajouté(s) les membranes interdigitales ne se sont-elles pas résorbées chez le foetus, comme c'est le cas de la plupart des autres tétrapodes ?

En octobre 2006, Scott Whetherbee a résolu ce légitime questionnement en montrant que les voies de signalisation de Bmp2 sont différentiellemment modulées au niveau des cartilages et de la membrane interdigitale des chauve-souris, avec le gène Fgf8, qui vient inhiber l'effet pro-apoptotique de Bmp2. Ce qui résultera dans la présence du large patagium des mains et des bras des chauve-souris.

Avec ces éléments temporel et spatial, ainsi que de régulation des voies de signalisation de Bmp2, nous avons le nécessaire pour expliquer, sur le plan moléculaire, un changement phénotypique impressionant et d'apparence très complexe : les ailes fonctionnelles des chauve-souris.
C'est une des plus fascinantes et explicites démonstrations -et preuve - d'une évolution quelque peu saltanionniste, ultra-rapide voire immédiate, sous un regard de "temps géologiques"...

Références et sources :
- Development of bat flight: Morphologic and molecular evolution of bat wing digits. K.E. Sears et al. (Open Access, PubMed Central). 2006
- Interdigital webbing retention in bat wings illustrates genetic changes underlying amniote limb diversification. S. D. Weatherbee et al. (Open Access, PubMed Central) 2006
- Remerciements à Antoine Vekris, dont un message très synthétique a largement inspiré ce chapitre.

 

Du Têtard à la Grenouille
Preuves à conviction, sous les yeux, de l'évolution

Tout métazoaire, ou animal pluricellulaire (par opposition aux protozoaires, dont l'organisme est formé d'une seule cellule), issu de la reproduction sexuée, provient d'une cellule unique, l'oeuf.
L'ontogenèse est le passage de ce germe initial à l'individu adulte capable de se reproduire. Cette histoire est marquée dans tout le règne animal par la succession de phases essentielles :
- la segmentation de l'oeuf, ou division cellulaire;
- la gastrulation, ou formation des feuillets embryonnaires, accompagnée de mouvements cellulaires
- l'organogenèse, avec la différenciation des cellules et des tissus.
La première étape est l'acquisition de l'état pluricellulaire ; au cours de la deuxième phase, le plan d'organisation du futur animal est établi dans ses grandes lignes; enfin, c'est pendant l'organogenèse que les cellules effectuent leur différenciation terminale et deviennent fonctionnelles.

L'ontogenèse récapitule donc, très grossièrement et pour quelques grandes étapes, la phylogenèse... A ceci près qu'il s'agit d'un rappel assez visuel, et non d'une loi biologique. L'essentiel est ici de retenir que plus deux lignées seront apparentées, plus les étapes embryonnaires se ressembleront.
Autre point essentiel : les différences ou ressemblances ontogénétiques entre lignées, sont autant un récapitulatif de leur parcours phylogénique commun que de leurs séparations à un moment donné. Avec la cruciale donnée que ces différences de développement embyronnaire sont plus un acteur et moteur de leur phénotype et de de leur phylogenèse, qu'un rappel grossier de celle-ci, mais souffrant maintes approximations et discordances si l'on tentait abusivement d'y voir un reflet fidèle de l'ontogénie. Un double miroir en quelque sorte, agent de variations et mémoire résiduelle et enfouie, mais transformée et "détériorée", du parcours évolutif suivi.

Et c'est facilement observable par chacun d'entre nous bien que nous n'ayons pas forcément sous la main des embryons à différentes étapes du développement. Quel est l'enfant qui n'a essayé, au printemps, d'élever des têtards après avoir trouvé dans une mare ou un ruisseau une de ces volumineuses pontes de grenouille composée de centaines d'oeufs noirs ? L'oeuf de grenouille est relativement gros, facile à récolter et à observer. Comme l'oeuf d'oursin, c'est un matériel de choix pour l'expérimentateur. Les photographies ci-dessous montrent les principales étapes du développement de la grenouille.

Ce qui nous intéresse particulièrement ici est d'observer le récapitulatif chronologique, suffisamment précis et visible du parcours évolutif des vertébrés, en quelques grandes lignes. En commençant par les premiers chordés, des sortes de "vers" sans mâchoires, sans pattes, avec une notochorde ou "épine dorsale" non ossifiée, vivant dans l'eau et respirant par des branchies ; passant par l'étape "poissons vertébrés" ; jusqu'à l'étape des premiers tétrapodes terrestres, les amphibiens, à respiration aérienne. Un parcours évolutif de plusieurs dizaines de millions d'années, observable chez soi dans un récipient d'eau (ou dans une mare à la campagne) et confirmé par toutes les autres études et observations faites par les diverses spécialités de la biologie.
Bien entendu l'embryon ne reproduit pas les stades adultes des proto-vertébrés et vertébrés prédécesseurs, sinon des ébauches plus ou moins abouties de leurs structures. Une partie de ces ébauches provisoires et éphémères ne sont néanmoins rien de moins que des organes fonctionnels, indispensables à l'animal durant son développement.

La segmentation, totale, dure 24 heures, ainsi que la gastrulation qui lui fait suite (1). La neurulation marque le début de l'organogenèse. A partir de l'ectoderme se constitue la plaque neurale avec ses bourrelets médullaires latéraux qui s'épaississent. La plaque devient gouttière neurale, puis les bourrelets se soudent l'un à l'autre, formant le tube neural. C'est l'ébauche du système nerveux de l'animal (cerveau et moelle épinière). La neurulation s'accomplit également en une journée environ. Au stade suivant, appelé bourgeon caudal, l'embryon s'allonge, surtout dans la région postérieure qui va former une queue. C'est alors que débute la segmentation du mésoderme, visible sous le revêtement ectodermique. Apparaissent alors les ébauches des vertèbres. C'est aussi au stade du bourgeon caudal qu'apparaissent les ébauches de l'œil et des branchies, que le cœur commence à battre et le sang à circuler (2). L'embryon va éclore, quatre jours après la ponte, sous la forme d'un têtard à branchies externes... Puis les jeunes têtards éclos seront capables de nager librement, grâce aux mouvements de leur longue queue. Les branchies deviendront internes (3). Une fois les pattes postérieures apparues, le têtard continuera à utiliser sa queue pour se déplacer (4). Puis les pattes de devant (5) jusqu'à la dernière étape de la métamorphose : la queue régressera, l'animal aura l'apparence d'une petite grenouille. Les branchies disparaîtront et les poumons se développeront, la respiration deviendra aérienne et la grenouille sortira de l'eau (6).

 

La larve qui trahit la parenté du parasite
Preuves à conviction, sous les yeux, de l'évolution

Les femelles de Lernaeocera branchalis parasitent les branchies de poissons tels que flets, plies, morues. Elles ont l'étrange aspect de sacs rouge-sang dont la taille atteint environ 4 mm. Elles portent derrière elles de fin cordons d'oeufs enroulés et, en prolongement de leur partie antérieure, des appendices leur servant à s'attacher au poisson dont elles extraient le sang. Dans quel groupe classer ces bizarres formes adultes ? C'est en observant leur stade larvaire que ces femelles furent attribuées aux crustacés copépodes (Siphonostomatoida). En effet, les larves de L. branchialis sont du type Nauplius si caractéristique des copépodes.

 

Larves de type Nauplius
Femelle de Lernaeocera branchialis Cyclope, crustacé copépode

 

Adultes

Une bonne partie des groupes de crustacés ont des larves de type nauplius. Cependant, ce qui est remarquable dans cet exemple est d'avoir pu retrouver, grâce aux similitudes anatomiques des stades larvaires (ou des jeunes individus), la parenté phylogénique d'organismes très modifés lors de leur phase adulte - voire méconnaissables. Le parasitisme, spécialisation parfois extrême, induisant ce phénomène de différenciation extrême.

 

*****

 

« À mesure que l'embryon se développe, il change de forme, il ne peut pas faire autrement ; pour passer d'une seule cellule à un cheval adulte, par exemple, il faut que cette chose change de forme. Si chaque espèce avait été créée indépendamment et à partir de rien, on devrait s'attendre à ce que ce changement de forme d'un zygote à un cheval adulte suive un parcours tout à fait différent de celui d'un zygote d'une autre espèce, comme celui d'une morue adulte, dont la forme est très différente de celle du cheval ; il ne devrait y avoir aucune ressemblance entre les deux (figure 1). Autrement dit, à partir du début et à chacun des moments du développement de l'embryon de cheval, on devrait observer quelque chose comme un petit cheval qui se développe, et, dans le cas de la morue, on devrait voir une petite morue qui se développe. À part le fait que les deux embryons commencent leur existence individuelle par une seule cellule, leur développement ne devrait avoir presque rien en commun puisque les deux formes adultes sont très différentes.

Deux modèles du développement des embryons de deux espèces de vertébrés

Au stade zygote, les deux espèces se ressemblent beaucoup dans leur forme dans les deux cas, l'individu n'est qu'une cellule. En A, le modèle représente l'" hypothèse " de la création : même très tôt dans leur développement (au stade 1), les deux embryons sont presque aussi différents l'un de l'autre que le seront les adultes qu'ils sont destinés à devenir. En B, le modèle représente l'évolution: même si les adultes sont très différents, les embryons qu'ils étaient se ressemblent énormément (aux stades 1 et 2). Ces ressemblances ne sont pas explicables en termes fonctionnels puisque les deux embryons se développent dans des conditions très différentes et deviennent des adultes très différents.

Or, le développement des deux embryons a beaucoup de points en commun (figure ci-dessous). Le plus frappant est probablement le fait que, à un certain stade de son développement, l'embryon de cheval présente des ébauches de fentes branchiales, comme chez la morue. Plus tard, ces structures disparaissent ou se transforment pour donner autre chose.

Aux fins d'illustration seulement, faisons comme s'il y avait deux explications possibles : la création et l'évolution (en fait, comme nous le verrons plus loin, ce ne sont pas deux hypothèses du même ordre, elles appartiennent aux discours de deux univers qui ne peuvent ni se compléter ni se faire compétition). Dans la première hypothèse, le Créateur a été capable de créer des formes adultes très différentes : morues, poules, tortues, chevaux et humains, mais en ce qui concerne leur développement, il a toujours utilisé le même chemin. Cette uniformité n'était certainement pas nécessaire : s'il était capable de créer des formes adultes aussi différentes que des morues et des chevaux, le Créateur aurait très bien pu créer des parcours de développement tout aussi différents. De plus, ce chemin n'est sûrement pas le plus efficace ; en effet, pourquoi faire passer le développement d'un cheval ou d'un humain par le stade des fentes branchiales, puisque celles-ci ne leur servent jamais à rien, ni aux embryons, ni aux adultes. C'est un détour inutile, nuisible, ni efficace ni élégant, et compliqué sans raison.

Embryons de vertébrés
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Dans la seconde hypothèse, si on interprète les faits d'une manière raisonnable, on déduit que si les embryons de la morue, du cheval et de l'humain passent par un stade avec des ébauches de branchies, cela veut dire qu'ils ont évolué à partir d'un ancêtre commun, une sorte de poisson disparu. Les ébauches de branchies chez les embryons des chevaux, des humains et des oies sont une trace de leur histoire commune avec celle des morues, elles sont une preuve qu'ils ont tous évolué à partir d'un ancêtre commun qui avait des branchies. Le cheval et la morue sont deux branches distinctes aujourd'hui, mais si on remonte assez loin dans le passé, on va trouver qu'ils ont un ancêtre commun, ils sortent du même tronc, et les caractères qu'ils ont en commun au début de leur développement embryonnaire sont hérités de cet ancêtre commun : ils sont une preuve que ces deux espèces ont un ancêtre commun, qu'elles ont une histoire et que leurs histoires respectives ne sont pas parallèles ni indépendantes, mais divergentes à partir d'un point commun. »

Extrait du livre « Le Miroir du Monde » de Cyrille Barrette
Avec son aimable autorisation
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L' EMBRYON

Comment l'embryon se forme-t-il ?
Cela dépend. Chez les végétaux, l'embryon est issu de la reproduction sexuée et de la fécondation de l'ovule par le grain de pollen. Il est contenu dans la graine. Chez les animaux, l'embryon est également issu de la reproduction sexuée et de la rencontre des gamètes mâle et femelle, sauf chez certaines espèces dites parthénogénétiques. Ces dernières font l'économie de la reproduction sexuée : l'ovule se divise sans qu'il y ait eu stimulation par le gamète mâle. Le recours à la parthénogenèse est dit "facultatif" chez certaines espèces comme l'abeille (les mâles sont issus de l'ovule non fécondé, les femelles de l'ovule fécondé), mais il est permanent chez d'autres (certains charançons par exemple). Dans ce cas, il y a moins de brassage et de diversité génétiques.
Le développement de l'embryon a longtemps été une énigme totale, même si Aristote avait déjà fourni des descriptions étonnantes du développement du poulet. Deux théories se sont longtemps affrontées: le préformisme, selon lequel l'adulte était contenu tout entier dans le germe (le développement n'étant alors conçu que comme un agrandissement progressif d'une miniature initiale), et l'épigenèse, selon laquelle les parties de l'organisme se diversifient à partir de structures simples progressivement élaborées. C'est cette seconde théorie qui s'imposera, suite aux progrès de la biologie du développement. L'embryologie, qui jusqu'à la fin de XIXe siècle était une science essentiellement descriptive, devient expérimentale avec les premiers travaux de l'embryologiste allemand Wilhelm Roux sur les œufs d'amphibiens. Ceux-ci sont rapidement suivis, au début de XXe siècle, par les travaux de l'école de l'Allemand Hans Spemann (prix Nobel de médecine en 1935).

Embryon

Que voit-on de l'embryon ?
L'enveloppe ou la coquille des œufs, et leurs dimensions restreintes, limitent de facto la quantité d'informations qu'il est possible de glaner à l'œil nu. Et ce même si les embryologistes ont, ces dernières années, découvert un nouvel allié en la personne du poisson-zèbre Danio rerio, dont l'embryon est transparent à toutes les étapes de son développement. Historiquement, il a fallu attendre le XVIIe siècle et l'arrivée du microscope pour espérer voir l'embryon. Au milieu du XIXe siècle, les progrès en embryologie ont été dopés par la mise au point de techniques: la réalisation de coupes de tissus, leur fixation et leur coloration ont permis de contourner les difficultés imposées par la durée des processus mis en jeu. Enfin, plusieurs techniques apparues au XXe siècle ont permis d'observer l'embryon sans avoir à l'extraire de son environnement. D'où leur intérêt d'un point de vue médical, car elles sont pratiquées à des moments clés du développement de l'embryon et surtout, du fœtus (ainsi nomme-t-on l'embryon humain à partir de la huitième semaine de grossesse). Dans les années cinquante s'est développée l'échographie obstétricale, qui utilise les vibrations de très haute fréquence des ultrasons Capables de traverser les tissus, ces derniers sont renvoyés lorsqu'ils rencontrent la limite d'un organe, des tissus différents ou la paroi d'un vaisseau sanguin. Il sont alors transformés en signaux électriques, puis en images. A la fin des années soixante-dix, la technologie d'imagerie dynamique qui repose aussi sur l'utilisation d'ultrasons - a permis de restituer en temps réel les éventuels mouvement des structures observées. Elle est parfois complétée par un examen Doppler qui permet l'étude des vaisseaux et de la circulation sanguine.

 

Comment une cellule unique, l'œuf, parvient-elle à donner un organisme complet ?
En 1995, le prix Nobel de physiologie et médecine fut attribué à Christiane Nusslein-Volhard, Eric Wieschaus et Edward Lewis pour leur découvertes concernant "le contrôle génétique du développement embryonnaire précoce". Les deux premiers nommés avaient, à la fin des années soixante-dix, identifié chez la drosophile des gènes impliqués dans l'édification du plan du corps selon l'axe tête-queue. Et l'on doit au généticien américain Edward Lewis d'avoir démontré, toujours chez la drosophile, l'hypothèse d'un contrôle génétique du développement des segments du corps. Les gènes impliqués, dits "homéotiques" furent retrouvés dans les années quatre-vingt chez les mammifères, pourtant très éloignés de la drosophile d'un point de vue évolutif. Cette étonnante conservation des gènes régulant la morphogenèse, mise en évidence notamment par les généticiens Walter Gehring et Denis Duboule, est l'une des grandes découvertes de la biologie du développement de ces vingt dernières années.
Mais le noyau et ses gènes ne sont pas seuls à orchestrer le développement de l'embryon. Le cytoplasme de l'ovocyte est, lui aussi, essentiel. En témoigne la technique du clonage, qui n'a de chance de succès que si le noyau de cellule somatique utilisé est transféré dans un cytoplasme d'ovocyte. Chez de nombreuses espèces comme les insectes ou les amphibiens, les gènes du développement répondent à certaines substances présentes dans ce cytoplasme. La concentration de chacune d'entre elles peut varier suivant ce que l'on appelle un gradient de concentration cytoplasmique. A une concentration donnée correspond un type de différenciation précis, d'où le qualificatif de "morphogènes" attribué à ces substances. Il existe de nombreux exemples de gradients de morphogènes jouant un rôle important dans la définition des différentes régions de l'embryon. Lors de l'embryogenèse, après une phase de multiplication des cellules, celles-ci se mettent en mouvement et s'organisent: c'est la morphogenèse. Des interaction se produisent entre elles d'une part, entre elles et le matériel extracellulaire d'autre part. Ces interactions ont pour effet de guider la différenciation cellulaire qui aboutit à la formation des tissus des organes.

 

L'embryon humain présente-t-il des vestiges d'animaux primitifs ?
Tous les embryons de vertébrés présentent de grandes ressemblances au tout début de leur développement: c'est cette constatation fondamentale qui a fait dire en 1826 à l'embryologiste allemand Karl Ernst von Baer que « l'ontogenèse résume la phylogenèse ». Cette règle devait être étayée et popularisée, quelques années plus tard, par le physiologiste allemand Ernst Haeckel. Si cette assertion est toujours controversée, il n'en demeure pas moins vrai que, durant l'embryogenèse, on voit en partie ce qu'était un embryon primitif. Par exemple, l'embryon humain, comme tous les vertébrés, présente une queue à un moment donné de son développement ; tous les vertébrés passent aussi par un stade où, à l'égal des poissons cartilagineux (requins), ils possèdent des fentes branchiales. Celles-ci disparaissent ultérieurement chez les mammifères.

Embryon
Photos optiques d'embryon humain à 37 jours. Observer la queue (A) et les fentes branchiales (B)

D'un point de vue plus général, on peut dégager plusieurs grandes phases communes à tous les animaux pluricellulaires. La première d'entre elles est la segmentation. L'œuf se divise rapidement pour donner une structure semblable à une petite mûre (la morula), composé de cellules appelées blastomères. Cette morula se creuse ensuite d'une cavité, et dès lors porte le nom de blastula. La deuxième phase majeure, la gastrulation, s'engage peu après. Elle consiste en des mouvements de cellules aboutissant à la délimitation des trois couches cellulaires, les feuillets embryonnaires, qui engendreront chacune des organes bien précis. L'ectoderme donnera par exemple le système nerveux et la peau, le mésoderme, les os et les muscles, et l'endoderme, les viscères (notons que certains animaux comme les cnidaires n'ont que deux couches cellulaires). C'est après la gastrulation que s'ébauche le tube neural à l'origine du système nerveux. A cette étape dite de neurulation succède, pour finir, l'organogenèse.

 

Comment l'embryon se nourrit-il ?
Il puise les nutriments nécessaires dans les réserves de l'œuf (le vitellus) ou dans son environnement, selon que l'espèce est ovovivipare ou vivipare. Chez les ovipares, tout le développement de l'embryon se déroule dans l'œuf - au sens littéral - après qu'il a été pondu. Certains de ces œufs, comme ceux des échinodermes (oursins par exemple), sont pauvres en réserves nutritives. D'autres (les œufs d'amphibiens) n'en sont que moyennement pourvus. Mais, dans les deux cas, l'embryon atteint rapidement un stade larvaire où il est capable de se nourrir seul. En revanche, dans les œufs riche en vitellus (les œufs d'oiseau), l'embryon atteint un stade de développement avancé au sein même de l'œuf. Un cas se figure que l'on retrouve chez ces étranges mammifères pondeurs que sont les monotrèmes (ornithorynques et échidnés). Chez les animaux ovovivipares (vipères par exemple), les œufs éclosent à l'intérieur de la mère. Celle-ci libère donc des petits vivants, mais qui n'auront entretenu avec elle aucune relation trophique. En revanche, chez les vivipares, l'embryon se développe à l'intérieur de la mère et établit avec elle une relation trophique via le placenta. Ce dernier joue aussi un rôle de filtre sélectif vis-à-vis de divers virus ou bactéries, protégeant ainsi l'embryon de nombreuses infections. Toutefois, certains virus, parasites et médicaments peuvent traverser la barrière placentaire et provoquer des atteintes fœtales. La relation mère-embryon se développe, pour l'essentiel, hors de l'utérus. Accrochés aux mamelles de leur mère, ils se développent dans la poche ventrale caractéristique de ces animaux.

 

Pourquoi l'embryon des mammifères n'est-il pas rejeté par le système immunitaire maternel ?
Puisque son génome est constitué du "mélange" (brassage) des gènes de ses parents, l'embryon de mammifère est donc un individu génétiquement différent de sa mère; le système immunitaire qu'il exprime à la surface de ses cellules est par conséquent différent lui aussi de celui de sa mère et devrait être reconnu par le système immunitaire de celle-ci comme "étranger"… Pourtant, ce n'est pas le cas. La découverte de cette tolérance remonte aux années cinquante. Elle est due à Sir Peter Medawar, qui venait de démontrer l'origine immunologique du rejet de greffe. Ayant énoncé ces lois de transplantation, il réalisa que l'embryon les transgressait. Les immunologistes ont, depuis, découvert un système d'une extraordinaire complexité à l'interface utéro-placentaire. Il semblerait que l'immunité de la mère soit bloquée localement, au niveau du placenta, par la sécrétion de molécules de signalisation comme les cytokines. Ainsi, une femelle souris activement immunisée contre un mâle, rejette violemment une greffe de tissu provenant de ce dernier, mais peut poursuivre une grossesse normale si ce même mâle la féconde.
Au contraire de la grossesse, caractérisée par un "musellement" des réactions immunitaires, l'implantation de l'embryon dans l'utérus est, elle, un phénomène inflammatoire. Ce dernier se déclenche après que certaines des cellules immunitaires de la mère, les macrophages, ont résorbé tous les spermatozoïdes morts présents dans la cavité utérine. La sécrétion de molécules inflammatoires est absolument essentielle à la grossesse car, sans elles, l'implantation de l'embryon ne peut se réaliser correctement.

 

Comment obtenir un embryon in vitro ?
Au XXe siècle, des techniques de procréation médicalement assistée, dont certaines conduisent à créer des embryons in vitro, ont été développées chez l'homme et chez l'animal d'élevage. Dans la fécondation in vitro (FIV), utilisée pour la première fois avec succès chez l'humain en 1978, les ovocytes sont prélevés dans les ovaires de la femme et mis au contact de spermatozoïdes in vitro. Deux jours après la fécondation, l'embryon est transféré dans l'utérus. Il est aussi possible de développer l'embryon in vitro jusqu'au stade blastocyste (sixième jour) avant de l'implanter. La technique d'injection intracytoplasmique du sperme (ou ICSI) est utilisée dans les cas où les spermatozoïdes sont peu nombreux ou incapables de fertiliser l'ovocyte. Sous microscope, le gamète mâle est alors introduit dans l'ovocyte.
La création d'embryons in vitro a permis la mise au point du diagnostic préimplantatoire, grâce auquel on peut dépister certaines maladies génétiques et, ainsi, éviter d'implanter un embryon atteint. Elle a aussi permis le développement de la transgenèse animale (à partir de 1980 chez la souris), qui vise à transférer un gène donné à des cellules ou à un organisme, ou, à l'inverse, à les en priver (organismes Knockout). C'est, pour les biologistes, un précieux outil de recherche fondamentale et appliquée. Chez la souris, le rat ou le lapin, le gène est introduit dans l'embryon au stade d'une cellule, après la fécondation. Chez les ruminants, il peut être inséré dans une cellule somatique. Le noyau de celle-ci est ensuite transféré dans un ovocyte énucléé, qui se divise et donne un embryon clone de l'animal dont provient la cellule manipulée. Cette technique par transfert de noyau rencontra son premier succès chez un mammifère trente ans après sa réalisation chez les crapauds xénopes : ce fut, en 1997, la naissance de la brebis Dolly.

 

Qu'est-ce qu'une cellule souche embryonnaire ?
Toute cellule d'un embryon au stade 2 ou 4 cellules est capable, à elle seule, de reformer un embryon : elle est totipotente. Puis cette capacité disparaît. Les cellules embryonnaires prélevées à un stade ultérieur (morula ou blastula) peuvent, quand à elles, se différencier en n'importe quelle cellule de n'importe quel organe : elles sont pluripotentes. Celles que l'on appelle "cellules souches adultes" (présentes dans certains organes) sont, elles, multipotentes, car elles ne peuvent se différencier qu'en quelques types cellulaires. Les cellules souches (tant embryonnaires qu'adultes) représentent un grand espoir pour la réparation d'organes, mais les techniques de différenciation sont encore mal maîtrisées. Les deux systèmes présentent des avantages potentiels et des défauts distincts - par exemple le potentiel tumorigène des cellules souche embryonnaires, ou la difficulté de prélèvement des cellules souches adultes dans certains organes. Par ailleurs, l'usage de cellules différenciées provenant de cellules souche issues d'embryons surnuméraires (cellule souche dont l'obtention est, pour l'instant, interdite dans certains pays, et jusqu'à il y a peu aussi en France) s'accompagnerait des mêmes risques de rejet que les greffes classiques. Le clonage thérapeutique, dans lequel un noyau cellulaire (ou l'ADN) du patient lui-même serait utilisé pour créer l'embryon source de cellules souches, permettrait de contourner ce problème. Il est pour l'instant prohibé dans de nombreux pays pour des raisons d'éthique.
Plutôt que d'embryon, certains préfèrent parler de personne potentielle. Au stade "4 cellules", l'embryon est en effet capable, dans l'absolu, de donner plusieurs personnes (puisque chacune de ses cellules a la capacité de donner un nouvel embryon). Mais un embryon n'a aucun devenir s'il n'est pas implanté dans un utérus, aussi cette étape constitue-t-elle un seuil important dans la définition du statut de l'embryon. Les embryons crées, cryo-conservés mais non utilisés, deviennent des embryons surnuméraires. En France, comme le prévoit la loi de bioéthique de 1994, ils peuvent servir à réaliser un autre projet parental pour le même couple, ou pour un autre couple avec l'accord du couple initial. Si le projet de révision de cette loi, initialement prévu en 1999 et entamé en 2001, est adopté, les embryons surnuméraires pourront, avec l'accord du couple, servir aussi à la recherche... La décision vient de tomber ces derniers jours.
Mener des recherches sur l'embryon permettrait d'améliorer les techniques de procréation médicalement assistée, qui sont jusqu'ici peu efficaces. D'un point de vue plus fondamental, cela permettrait aussi de mieux comprendre ce qui se passe au tout début du développement de l'embryon humain. Le débat, nécessaire, est perturbé par la crainte que ne soit un jour réalisé chez l'homme du clonage reproductif. Outre le fait que la technique est pour l'instant extrêmement mal maîtrisée chez l'animal et dangereuse pour la santé des enfants qui naîtraient, il peut être envisagé de créer des structures de régulation qui empêcheraient les dérives de ces techniques, comme cela se fait en Grande Bretagne (Human Fertilisation & Embryology Authority). La tendance de la plupart des pays est en effet, aujourd'hui, de ne pas laisser ce type d'activités de recherche en dehors de tout contrôle.

Rafael Terrón

Sources : mensuel La Recherche
Voir aussi réf. articles divers et autres ouvrages: Lecture sciences

 

 

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