Partie
I L'ENSEIGNEMENT
TRADITIONNEL Il
s'agit de l'enseignement du catholicisme. Je ne parlerai que de l'Eglise catholique
car c'est la seule que je connais d'une façon approfondie et parce que
c'est certainement la plus influente au niveau mondial, non pas tant par les convictions
de ses fidèles qui, pour beaucoup, sont superficielles, car simplement
culturelles, mais surtout par son influence politique liée au fait que
le pape demeure un chef d'Etat (malgré la mort des Etats pontificaux en
1870) et par son influence médiatique. Pour
l'athée DIEU est un concept vide, il se réduit à trois voyelles
et une consonne. Pour le croyant chrétien par contre, bien que Dieu soit
fondamentalement inconnaissable, il n'est plus un mot inconsistant car la Révélation,
sous forme des Ecritures saintes constituant la bible, interprétée
sous le sceau déclaré inspiré de l'Eglise catholique universelle
romaine, va le caractériser par un certain nombre d'attributs et d'intentions
qui nous permettront d'exercer notre esprit critique. Dans un premier temps il
nous faut donc bien connaître l'enseignement officiel de l'Eglise. Nous
nous fonderons pour cela surtout sur le "Catéchisme officiel" assez récemment
paru (1998).
Tout
d'abord Dieu est un être personnel qui a toujours existé,
existera toujours et qui est donc éternel. Pour Dieu tous les moments du
temps sont présents dans leur actualité. (§
600)
Dieu est un être parfaitement libre. L'encyclique "Veritatis
splendor" déclare que cette liberté est "la liberté totale,
la pure liberté, la pleine liberté. (§ 17) Il
a créé librement, c'est-à-dire que la création n'avait
rien de nécessaire; notre univers aurait pu ne pas être. (§
296) Dieu
est un être omnipotent, c'est-à-dire tout puissant;
c'est ce qu'indique le premier article du Symbole des apôtres, celui du
credo de Nicée/Constantinople: "Je
crois en Dieu, le Père tout puissant, Créateur du ciel et de la
terre, de l'univers visible et invisible." Tout
ce que Dieu veut, il peut le faire . (Ps 115:3) Le
critère majeur de sa toute puissance est peut-être le fait qu'il
a créé l'univers, de rien, (ex nihilo) ; on le voit, "rien n'est
impossible à Dieu", comme l'a dit l'ange Gabriel à Marie (Luc
1:37). Dieu
est un être omniscient. Sa connaissance est donc universelle
et absolue. Il a la connaissance, entre autres, de ce que nous appelons l'avenir
(prescience). Il "connaît toutes choses" . (1 Jn 3:20) Son
éternité fait qu'il a tous les moments du temps, présents
à l'esprit, si bien qu'il peut établir son dessein éternel
de "prédestination" en incluant la réponse libre de chaque homme
à sa grâce. (§ 600). Rien
de la moindre action des hommes ne peut échapper à Dieu "qui voit
dans le secret". (Mat 6:6). "Toutes choses sont à
nu et à découvert devant ses yeux (Heb 4:13)
et il sait tout ce que ses créatures libres produisent et produiront. (§
302). Dieu
est infiniment bon et toutes ses œuvres sont bonnes. Dieu
est amour (1Jn 4:8,16). Il est éternellement
échange d'amour. (§ 221). Sa charité
est immense. (§ 142). L'amour
de Dieu est comme l'amour d'un père pour son fils; mieux, il est plus fort
que l'amour d'une mère pour ses enfants; plus fort que l'amour d'un époux
pour sa bien aimée. (§ 219). Il est d'une
"perfection surnaturelle". (§ 1827). Dieu
est sage et parfait. Sa Sagesse n'a pas de mesure. Finalement, l'attribut
qui englobe et résume tous les autres est la perfection. Il est "infiniment
parfait", encore cette expression n'est-elle que celle du pauvre langage humain
dont l'extrême limitation n'épuise pas le mystère de Dieu.
(§ 48). Il
convient maintenant d'insister sur l'acte créateur et ses finalités.
En effet notre univers n'a pas toujours existé, il a donc eu un commencement
; il existe donc un temps 0 à partir duquel, de rien, du néant,
est sorti quelque chose et à partir duquel commence le temps. (§
296). L'acte
de création est un acte purement libre et Dieu a créé l'univers
et nous a créés par pure sagesse et pur amour. (§
27). "Dieu infiniment parfait et bienheureux en lui-même, dans un
dessein de pure bonté, a librement créé l'homme pour le faire
participer à sa vie bienheureuse". (§ 1). Le
monde a été créé pour sa gloire, non pour augmenter
cette gloire mais pour la manifester et la communiquer. (§
297, 337). Dieu
nous a mis au monde pour que nous puissions le connaître, le servir, l'aimer
et ainsi gagner le paradis où le juste jouira de son "don gratuit" de béatitude.
(§ 1721, 1722). D'une
façon générale toutes les œuvres de Dieu reflètent
sa bienveillance, sa grâce, son amour. (§ 214). Dans
son omnivoyance des actes libres de ses créatures jusqu'à la fin
des temps, Dieu a tout ordonnancé à ses fins. Ainsi, quoi qu'il
arrive, il élévera les hommes "à la communion de sa vie divine".
(§ 759). Dieu
a donc créé avec la vision totale de ce que serait sa création,
ce qui est bien sûr approprié à ses attributs. Dans sa volonté
créatrice étaient donc présents la chute en même temps
que le rachat et ajoutons l'Eglise; le catéchisme précise bien que
cette dernière fut "préfigurée dès l'origine du monde"
(§ 579), et que l'intention divine salvatrice pour
les hommes passe par l'Eglise. (§ 760). |
Maintenant
que nous connaissons mieux le Dieu créateur, voyons dans le livre de la
Genèse ce que dit la Bible quant aux modalités de la création.
Gen
1,2: 4 détaille la création en six jours. Les végétaux
apparaissent le troisième jour, les animaux le cinquième, et c'est
au sixième jour que Dieu crée l'homme et la femme, avec mission
de remplir la terre et l'assujettir, mais il n'est pas question ici du jardin
d'Eden. Gen
2: 4 à 3: 24 se rapporte essentiellement à l'homme depuis sa création
jusqu'à son expulsion du jardin d'Eden suite à la faute originelle.
Gen 2:7 nous apprend que la création de l'homme est directe, à
partir de la matière inanimée: "Le Seigneur Dieu modela l'homme
avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine
de vie, et l'homme devint un être vivant". | Voyons
maintenant ce qu'enseigne le Catéchisme au sujet de cet homme du paradis.
Dans
la hiérarchie des créatures qui va du "moins parfait au plus parfait",
l'homme "est le sommet de l'œuvre de la création". (§
342, 343). Il est en effet le seul capable de connaître et d'aimer
son créateur, le seul que Dieu a voulu pour lui-même et qui a été
créé pour partager, par la connaissance et l'amour, la vie de Dieu.
(§ 356). Il
est bien connu que pour l'Eglise, l'homme est un être à la fois corporel
et spirituel, l'âme étant le principe spirituel. (§
362). L'unité de l'âme et du corps est totale: "l'esprit et
la matière dans l'homme, ne sont pas deux natures unies, mais leur union
forme une unique nature. (§ 365). Contrairement
à ce qu'avancent beaucoup de théologiens contemporains, la Tradition
enseigne la création d'un homme unique, Adam, et d'une femme unique,
Eve, créés l'un pour l'autre et formant une "unité à
deux". (§ 371). Un "premier homme (§
374) et une première femme sont donc à l'origine de l'humanité.
Gen 3:20 précise qu'Adam "donna à sa femme le nom d'Eve, car elle
est mère de tous les vivants. Chacun
sait que nos premiers parents furent placés dans un paradis symbolisé
par le jardin d'Eden. Comme l'explique le concile de Trente, Adam et Eve furent
constitués dans un état de "sainteté et de justice originelle."
(§ 375). Ces
êtres bons (§ 374), en harmonie avec eux-mêmes
et la création participaient, dans leur perfection originelle, à
la vie divine. (§ 375). | Cette
création allait être en devenir compte tenu de l'incitation reçue
par nos premiers parents. (Gen1:28). L'harmonie parfaite voulue par Dieu ne perdura
pas. Le péché de nos premiers parents, le péché
originel, puisqu'il faut bien l'appeler par son nom, allait apparemment faire
dévier le projet divin.
Le
péché originel est aussi appelé "péché des
origines" (§ 387), lui-même englobé
dans le péché tout court défini comme un "abus de la liberté
que Dieu donne aux personnes créées pour qu'elles puissent l'aimer
et s'aimer mutuellement." (§ 387). Dans
la Genèse, le récit de la chute est considéré comme
imagé mais il rend réellement compte d'un "fait qui a eu lieu au
commencement de l'histoire de l'homme. La Révélation nous donne
la certitude de foi que toute l'histoire humaine est marquée par la faute
originelle librement commise par nos premiers parents." (§
390). L'arbre
de la connaissance du bien et du mal du jardin d'Eden veut marquer une mise à
l'épreuve de la liberté de nos premiers parents. L'arbre symbolique
traduit la dépendance que devait avoir le premier couple quant aux normes
voulues par Dieu, et la nécessité qu'il y avait de les respecter
puisqu' émanant d'un créateur infiniment bon. "Le
premier péché" (§ 397) est la conséquence
d'un manque de confiance dans la sagesse et la bonté du créateur.
C'est un péché d'orgueil. Le premier couple a voulu se donner la
priorité, s'émanciper de Dieu, "être comme Dieu" et non "selon
Dieu" (§ 398). "Cette première désobéissance"
(§ 399) conduisit à la perte de la "sainteté
originelle" et des privilèges qui y sont afférents. (§
399). Les
conséquences personnelles de cette première faute furent, comme
prévu, catastrophiques car la mort fit son entrée comme terme de
la vie humaine et les conditions de vie paradisiaques s'éteignirent. Les
conséquences pour l'humanité tout entière ne furent pas moins
grandes. Le péché originel a en effet contaminé toute la
descendance d'Adam et Eve. On ne saurait mieux le dire qu'en faisant appel à
l'apôtre Paul :
"Par la désobéissance d'un seul homme, la multitude (c'est-à-dire
tous les hommes ) a été constituée pécheresse "(Rom
5:19). "De
même que par un seul homme le péché est entré dans
le monde et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort est passée
en tous les hommes , du fait que tous ont péché…" (Rom 5:12) |
On
le constate, l'enseignement du Catéchisme est clair, fidèle à
l'enseignement séculaire de l'Eglise. Il considère le péché
originel, répétons-le, comme une faute personnelle d'un homme
et d'une femme, "au début de l'histoire de l'homme". La
profession de foi de Paul VI (1968) traduit bien la stabilité officielle
du dogme depuis le concile de Trente . Pour
la théologie catholique le péché originel est censé
résoudre l'épineux problème du mal qui est certainement
la pire pierre d'achoppement . Pour St Augustin qui est à l'origine du
dogme du péché originel, l'existence du mal n'entame pas la perfection
des attributs divins. Dieu n'a créé que des choses et des êtres
bons . Le premier couple était initialement parfait, placé dans
un environnement parfait, paradisiaque. La responsabilité du mal est strictement
humaine, il est la conséquence de la faute de nos premiers parents qui
ont fait un mauvais usage de leur liberté. Le mal n'a rien d'imputable
à un Dieu qui a simplement voulu des créatures libres. Dans
cette affaire, Dieu est donc d'une "innocence absolue" pour reprendre l'expression
de Jacques Maritain. D'autant plus absolue que malgré l'échec de
la liberté humaine, Il éradiquera le mal par la médiation
de son fils rédempteur. *
Les signes § suivis d'un numéro renvoient
au catéchisme de l'Église catholique, excepté le §
17 qui se réfère à l'encyclique "Veritatis
splendor" Bruno
Alexandre
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