Partie
III LE
REJET DE LA FAUSSE SCIENCE ÉVOLUTIONNISTE La
théorie de l'évolution a donc renouvelé notre vision du monde
et nous avons montré combien elle s'accorde peu avec la vision biblique.
Avant de voir comment les théologiens tentent désespérément
de s'y adapter, je voudrais raconter succinctement l'évolution historique
de l'Eglise. Darwin
fut bien conscient du caractère révolutionnaire de sa pensée.
Cela le fit hésiter aussi bien vis-à-vis des autorités scientifiques
que des autorités religieuses. Il mit longtemps à se décider
à publier sa théorie et ne le fit que pour devancer ses concurrents. La
parution de son œuvre maîtresse en 1859: "On the Origin of Species by
means of Natural Selection", provoqua effectivement des réactions passionnées
bien que Darwin n'ait pas cherché à être particulièrement
provocateur puisqu'il cite encore le Créateur. Ce
n'est que plus tard qu'il s'exprime clairement sur l'homme avec "The Descent
of Man, and Selection in Relation to Sex". Bien que les notes de ses carnets
indiquent de nettes options matérialistes dès 1837, il ne se déclare
agnostique qu'en 1876. Les
réactions de l'Eglise furent catégoriques, l'origine animale de
l'homme ne pouvait qu'être en contradiction avec la bible et la doctrine
catholique. Dès 1860 le concile allemand de Cologne, annonciateur de l'esprit
du grand concile Vatican I vis à vis de la science, s'oppose à la
thèse darwinienne et ce n'est pas sans logique qu'il déclare:"Nos
parents ont été créés par Dieu immédiatement.
C'est pourquoi nous déclarons tout à fait contraire à l'écriture
sainte et à la foi, l'opinion de ceux qui n'ont pas honte d'affirmer que
l'homme, quant au corps, est le fruit de la transformation spontanée d'une
nature imparfaite en d'autres de plus en plus parfaites jusqu'à la nature
humaine actuelle". * Pie
IX rejeta sans nuances le transformisme. Parurent de nombreuses publications
anti-darwiniennes d'un niveau parfois lamentable. Le pape apprécia particulièrement
"Moïse et Darwin. L'homme de la Genèse
comparé à l'homme-singe ou l'enseignement religieux opposé
à l'enseignement athée". L'auteur, Constantin James, fut félicité
par le pape d'avoir si bien réfuté "les aberrations du darwinisme".
Pie IX distinguait vraie science et fausse science; la vraie est
celle qui se conforme à l'infaillible révélation divine,
"étoile" qui doit guider le scientifique et "lumière" qui "aide
à se préserver des écueils et des erreurs". Un conférence
à Notre Dame ne disait-elle pas "nos mystères ne peuvent qu'éclairer
vos sciences, et vos sciences ne peuvent qu'éclairer nos mystères".
La science fut accuser de propager l'athéisme et le matérialisme. En
ce qui concerne l'origine de la terre on en restait à l'estimation, au
milieu du XVIIème siècle, de l'archevêque Ussher: 4004 ans
avant notre ère . Un calcul fait par un ex jésuite donnait à
la terre, en 1863, un âge de 6000 ans et en 1899, "l'Ami du clergé",
revue surtout lu par les clercs, évalue à 5021 ans le temps qui
sépare Adam du temps de la captivité. Il
est très intéressant de lire les actes du concile Vatican I
qui remet la science à sa place! La
constitution dogmatique sur la foi catholique "Dei
Filius" énonce, dans le Chap. IV portant sur la foi et la
raison, que l'Eglise "a reçu, en même temps
que la charge apostolique d'enseigner, le commandement de garder le dépôt
de la foi"et qu'elle a, "de par dieu le droit et
le devoir de proscrire la fausse science." L'Eglise ne peut admettre que
les sciences, "dépassant leurs frontières,
elles n'envahissent ni ne troublent le domaine de la foi", précisant
que "le sens des dogmes sacrés qui doit être
conservé à perpétuité est celui que notre Mère,la
Sainte Eglise, a présenté une fois pour toute, et jamais il n'est
loisible de s'en écarter sous le prétexte et au nom d'une compréhension
plus poussée." Ce que répète le canon IV , art. 3:
"Si quelqu'un dit qu'il est possible que les dogmes proposés par l'Eglise
se voient donner parfois, par suite du progrès de la science, un sens différent
de celui que l'Eglise a compris et comprend encore, qu'il soit anathème."
(Session III – 1870) * Léon
XIII, successeur de Pie IX, fut plus libéral quant à son regard
sur la science, ce pendant, fondamentalement, la situation théologique
n'évolua guère. La prédication à Notre Dame reste
réactionnaire: le chrétien possède la "science suprême";
il " ne craint rien de la fausse science, parce que toujours
elle est confondue; rien de la vraie science, parce que toujours elle tombe d'accord
avec la vérité." La
nouveauté fut la tentative de promotion d'une science chrétienne
ou plutôt catholique. Avec le soutien de Léon XIII, MGr d'Hulst
mit sur pied des congrès scientifiques internationaux catholiques.
Au premier de ces congrès, en 1888, le transformisme fut rejeté
comme "hypothèse gratuite". Notons aussi qu'une communication confirmait
que Moïse était bien l'auteur du Pentateuque (les 5 premiers
livres de l'AT), ce que les progrès de la critique textuelle mettait en
doute. Au total, ces congrès, il y en eut 5 (de 1888 à 1900), furent
plutôt orthodoxes. Il ne pouvait pas en être autrement, le pape souhaitant
"une soumission absolu envers le siège apostolique de Saint Pierre". L'encyclique
"Providentissimus Deus" (1893) rappelle que depuis le concile de trente
il est bien clair que le dernier mot de l'exégèse appartient à
l'Eglise et que toute idée est fausse "qui mettrait les auteurs sacrés
en contradictions entre eux, ou qui serait opposée à l'enseignement
de l'Eglise". Cependant, lors de ces congrès, des questions gênantes
furent quand même traitées comme le problème des 6 jours de
la création et, encore (!) du Pentateuque qu'une intervention lors du 4ème
congrès (1887) n'attribuait plus à Moïse! Comme cela sentait
trop le soufre, la section d'exégèse fut tout simplement fermée!
Peu de temps avant sa mort, Léon XIII semble pourtant s'être un peu
repris en créant une commission biblique internationale assez ouverte. Mais
avec la mort de Léon XIII, la timide ouverture vers les sciences fut sans
lendemains. Pie X, à l'esprit obtus, allait entreprendre une véritable
chasse aux sorcières pour étouffer les idées nouvelles et
en rester à l'enseignement traditionnel des séminaires où
dans les manuels bien pensants était écrit:"(l'inspiration) préserve
l'écrivain sacré de toute erreur, non seulement de toute erreur
dogmatique et morale, mais aussi de toute erreur historique ou scientifique".
Le séminariste devait s'en tenir au concordisme; la bible s'accorde
parfaitement avec l'histoire et la science. * Voilà
où en était l'Eglise au début du XXème
siècle! "Elle est, écrit G. Minois, un
répondeur automatique, avec une bande enregistrée au XVIème
siècle, voire au XIIIème". Mais l'Eglise comptait aussi
des gens éclairés qui auront du mal à supporter le carcan
romain et qui provoqueront "la crise moderniste". L'abbé Alfred
Loisy fut la figure emblématique de ce modernisme que Pie X voua aux
gémonies. Après une thèse sur l' AT, il fonde une
revue: "L'enseignement biblique" où justement il se livre à
des études critiques du livre de la Genèse. La réaction ne
se fait pas attendre et malgré la bienveillance de Mgr d'Hulst, Rome retira
à Loisy l'enseignement de l'exégèse. Cela ne calma pas Loisy,
esprit peu arrangeant, au contraire! Et il continua, dans sa revue, à dénoncer
les conceptions erronées : en premier lieu, le Pentateuque ne peut être
l'œuvre de Moïse et il ne faut pas prendre au pied de la lettre , donc comme
une histoire vraie, les récits de la Genèse et considérer
que les livres saints, pour "tout ce qui regarde les sciences de la nature, ne
s'élèvent pas au dessus des opinions communes de l'antiquité".
Empêché par ses supérieurs de publier une étude sur
la chronologie biblique, Loisy est obligé de quémander auprès
du ministre de l'instruction publique une chaire à l'Ecole Pratique des
hautes études qu'il inaugure rien moins qu'avec le problème ultra
sensible de la Création:
"La genèse et les mythes babyloniens". Après
la mort de Léon XIII on devine que le nouveau pape inflexible sur la doctrine
séculaire de l'Eglise n'allait pas rester sans réagir; il fit mettre
cinq de ses livres à l'index. Et ce qui devait arriver arriva, en 1908
Alfred Loisy fut excommunié. J'ai
insisté sur Alfred Loisy, mais bien d'autres subirent les foudres du Vatican.
Par exemple, un homme du sérail, le dominicain M.J. Lagrange.
Il avait anticipé, et ce fut là son tort, les interprétations
modernes; Il avait en effet compris, surtout après avoir bien jaugé
sur place la géographie du Sinaï, que le Pentateuque ne pouvait être
un livre ordinaire d'histoire. Il fonda en 1890 l'Ecole Biblique de Jérusalem
et la Revue Biblique en 1892 dans laquelle il annonçait en 1900 un projet
de commentaire de la bible. Il comptait, en toute logique, commencer par la Genèse
qu'il interprétait (Ô crime impardonnable) métaphoriquement.
Le sujet étant des plus sensibles, sa hiérarchie, aussi bien dominicaine
que romaine l'en dissuada et préféra le livre des Juges moins compromettant.
La publication de la Genèse fut donc repoussée et finalement interdite
par Pie X. Le dominicain précurseur fut aussi interdit d'étude de
l'Ancien Testament et en 1912 la congrégation consistoriale adressa un
blâme public au Père Lagrange accusé de trop flirter avec
le rationalisme. On
doit reconnaître un courage peu commun (un peu masochiste diront les mauvaises
langues) à ce savant dominicain qui, malgré les vexations, demeura
au service de l'Eglise. Cette Eglise qui décidément n'a pas peur
d'être tuée par le ridicule puisqu'aujourd'hui Jean Paul II, qui
n'est pas à une repentance près, propose de béatifier l'ancien
persécuté. Il
faudrait parler aussi de G. Tyrell, de Laberthonnière, d'A Houtin
et même de Bergson! Joseph Turmel mérite une mention particulière
vu l'ampleur de son érudition. Restant dans l'Eglise bien qu'ayant perdu
la foi dès 1886, il fut dénoncé,
dut donner sa démission et remettre ses manuscrits: 23 cahiers de 5000
lignes furent livrés aux flammes "pour la plus grande gloire de
Dieu".
Sous Pie X il publie, entre autres, sous le manteau, une "histoire du péché
originel". Il écrira plus tard une monumentale "Histoire des dogmes" après
avoir été frappé , en 1930, d'une excommunication majeure,
victime, selon ses mots, de "l'école du mensonge". Enfin je nommerai
aussi un autre grand érudit qui fut poussé à devenir rationaliste
à cause de cette atmosphère délétère: Prosper
Alfaric. Lui aussi subit l'excommunication majeure en 1932. *
Pie X a fait régner sur ses ouailles une véritable terreur
intellectuelle par son décret "Lamentabili sane exitu" et peu après,
par son encyclique "Pascendi dominici gregis"(1907). "Lamentabili"
est un véritable second syllabus qui en 65 articles veut tordre
le cou aux lumières modernes. Je retiendrai quelques condamnations
qui concernent plus spécialement les problèmes qui nous préoccupent.
Sont réprouvées les affirmations suivantes:
V:
"Le dépôt de la foi ne contenant que des vérités révélées,
il n'appartient sous aucun rapport à l' Eglise de porter un jugement sur
les assertions des sciences humaines." IX:
"Ceux-là font preuve de trop grande simplicité ou d'ignorance qui
croient que Dieu est vraiment l'Auteur de la Sainte Ecriture." XI:
"L'inspiration divine ne s'étend pas de telle sorte à toute l'Ecriture
Sainte qu'elle préserve de toute erreur toutes et chacune de ses parties." XXII:
"Les dogmes que l'Eglise déclare révélés ne sont pas
des vérités descendues du ciel, mais une certaine interprétation
de faits religieux que l'esprit humain s'est formé par un laborieux effort." LVII:
"L'Eglise se montre hostile aux progrès des sciences naturelles et théologiques". LXIV:
"Le progrès des sciences exige que l'on réforme les concepts de
la doctrine chrétienne sur Dieu, sur la Création, sur le révélation,
sur la personne du Verbe incarné, sur la rédemption". LXV:
"Le catholicisme d'aujourd'hui ne peut se concilier avec la vraie science à
moins de se transformer en un certain christianisme non dogmatique, c'est-à-dire
un protestantisme large et libéral". [
Décret
Lamentabili Sane Exitu ] | "Pascendi
dominici gregis" est sur le même ton. Les sectateurs de la "fausse science"
sont quasiment insultés, ce qui est exceptionnel dans le langage habituellement
châtié des encycliques. Une litanie de termes indélicats (qui
offensent la charité chrétienne!!) pleuvent sur les modernistes:
"imprégnés jusqu'aux moelles d'un venin d'erreur – insidieux – pervers
- prétentieux - perfides – pernicieux - gonflés d'esprit de vanité
ainsi que des outres – etc ". Bref de toute cette cuisine moderniste se dégage
"une atmosphère pestilentielle". Les
sciences de l'exégèse sont ridiculisées. De leurs "chaire
de pestilence" avec leur philologie, leur histoire, leur critique interne, leur
critique textuelle qui leur viennent de l'agnosticisme, ces modernistes ont "l'audace
inouïe" de se croire plus forts que les Pères d'antan. Bref une bonne
volée de bois vert! L'encyclique
défend aussi la thèse que foi et science se complètent. La
science ne peut prétendre avoir un domaine propre, de même que la
foi aurait le sien. Cet erreur moderniste ne manquerait pas de conduire à
l'athéisme. Fondamentalement, il ne peut y avoir contradiction entre raison
et foi, entre la science et ce que Dieu révèle et dans l'ordre hiérarchique
la science ne peut être que servante de la vérité divine.
[
Extraits
de l'encyclique " Pascendi dominici gregis" ]
* L'orthodoxie,
à la fin du règne de Pie X est celle des conférences de Mgr
Gibier: la vraie science ne fait que confirmer la lettre de la bible, "le dernier
mot des sciences modernes a fini par n'être pas autre chose que le premier
mot de la Genèse.". Le Mgr dit faire partie des catéchistes des
peuples, il se place dans le groupe de tête des "docteurs de ce monde" enseignant
la "science sacrée" ! Pour
mémoire seulement, car cela sort de notre centre d'intérêt,
je rappellerai que la répression papale qui s'est exercée vis-à-vis
des sciences, s'est de même façon abattue sur les initiatives nouvelles
en matières sociales. Les promoteurs du "Sillon" formation dirigée
par Marc Sangnier, oeuvrant pour un christianisme à finalité démocratique
et sociale tourné vers le syndicalisme et l'éducation populaire,
furent brisés par décision de Pïe X qui ne pouvait pas tolérer
une nette prise d'indépendance vis-à-vis des autorités hiérarchiques. Insistons,
pour terminer, sur un point d'exégèse qui est un exemple emblématique
de la fausse infaillibilité de l'Eglise en matière de foi.
Etait censé faire partie du canon biblique depuis toujours un verset de
Jean en faveur du dogme de la trinité. Il s'agit d'un passage de l'épître
de Jean: I Jn 5:8 "car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel:
le Père, le Verbe, et l'Esprit saint, et ces trois sont un; et ils sont
trois à rendre témoignage sur la terre." Depuis le XVIème
siècle ce verset était suspectée d'inauthenticité
et à la fin du XIXème il apparaissait quasiment comme certain qu'il
était une falsification. Mais Léon XIII dans son encyclique "Providentissimus",
venait de rappeler l'inerrance de la bible! La sacrée congrégation
du St Office (anciennement Sacrée congrégation de l'Inquisition
universelle) déclara en effet qu'il était interdit de douter de
la véracité de ce verset. Or aujourd'hui la Congrégation
pour la doctrine de la foi reconnaît que le passage est un faux. Le responsable
est un disciple de Priscillien, copiste reconnu même hérétique!
Alors maintenant que penser du Magistère infaillible
de l'Eglise, maîtresse de la canonicité de la Bible, et de la toute
puissance de l'Esprit saint qui l'inspire!!…Eh bien il faut en penser ce qu'en
pensait Renan, que l'Eglise est une imposture et que l'excuse du Dieu inspirateur
est de ne pas exister. Car dans ce système de vérités venant
d'en haut il suffit que la moindre brique soit un faux pour que tout l'édifice
s'écroule. Or les sciences aujourd'hui n'en sont plus à gangrener
les briques mais les voilà qui font se fissurer les piliers!… Revenons
à l'évolution; en 1907 le Père Monsabré qui manifestait
pourtant quelques timides sympathies pour elle, n'hésitait quand même
pas à écrire: "Plus on étudie la théologie,
plus on se convainc qu'elle est la reine des sciences. La scolastique
est son sceptre, la mystique est son diadème". Pie
X fut l'âme d'une volonté - qu'on est bien obligé de qualifier
d'obscurantiste – de mettre la lumière sous le boisseau. Une liste
impressionnante d'œuvres furent mises à l'index (en d'autres temps elles
eussent été brûlées). Dans les séminaires l'enseignement
des sciences naturelles fut limité. Les candidats au sacerdoce durent prêter
un "serment anti-moderniste". Bref l'Eglise condamnait non seulement la
thèse évolutionniste mais aussi toutes les tentatives d'exégèse
scientifique tout en opposant la vraie science à "la science mensongère
du temps", expression que l'on relève dans la dernière allocution
de son pontificat, peu de temps avant sa mort. (1914) . Dans
ces conditions, on ne s'étonnera pas que G. Minois, historien pourtant
catholique, n'hésite pas à se poser cette question: "la sainteté
de Pie X, aurait-ce été son héroïsme à défendre
l'indéfendable?". Je
mentionnerai maintenant quelques questions suscitées, chez les croyants
critiques, par les sciences nouvelles au cours des 15 premières années
du XXème siècle. Questions concernant les sciences naturelles et
l'exégèse et dont certaines mettent le doigt sur des problèmes
concernant notre sujet. - Pourquoi
le livre de Darwin n'a-t-il pas été mis à l'index?
- Comment la nature peut-elle
sélectionner? Elle est aveugle, incapable de jugement!
- Le transformisme darwinien
suppose des êtres de transition or on n'en connaît pas!
Après
que l'on en eut découvert: prouvent-ils formellement une évolution?
(Il peut s'agir d'un homme primitif qui n'a rien d'animal).
- Pourquoi après
tout (pour les plus audacieux) Dieu n'aurait-il pas insufflé une âme
humaine à un corps d'origine animale?
Sur
cette voie quelques esprits conciliateurs sont même allés très
loin; Il faut rendre ici hommage au Père Leroy, dominicain qui voulait
concilier le Darwinisme et le thomisme, ne retenant que l'essentiel de la création:
l'insufflation de l'âme. «
II en sera, je crois, a-t-il écrit, de l'idée évolutionniste
comme de celle de Galilée; après avoir effarouché d'abord
les orthodoxes, quand une fois l'émotion sera calmée, la vérité,
dégagée de toute exagération de part et d'autre, finira par
se faire jour. Alors on saura gré peut-être à un religieux
de n'avoir pas craint de bien augurer de son avenir. Sachons rendre à César
ce qui est à César, afin d'inviter César, à son tour,
à rendre à Dieu ce qui revient à Dieu. " Rome ne l'entendit
pas de cette oreille! Leroy dut faire acte d'allégeance en se rétractant.»
- Comment
accorder alors cet homme primitif des cavernes avec les qualités intellectuelles
et morales d'Adam
Des
questions témoignaient de la montée du doute quant à l'interprétation
littérale des textes bibliques: - Qu'adviendra-t-il
si les premiers chapitres de la Genèse ne sont pas paroles de vraie science;
ne sont pas à interpréter littéralement?
[ Quand, plus tard, les
découvertes archéologiques imposèrent la mise en doute de
la lettre du texte de la Genèse sur la création, on trouvera un
texte rassérénant: "Pour Dieu, mille ans sont comme un jour!" ]
- Les rédacteurs
de la bible n'ont-il pas été influencés par les connaissances
de leur temps? Par les mythes babyloniens par exemple dans le cas de la Genèse?
- L'histoire du fruit
défendu du jardin d'Eden n'est-il pas allégorique?
- Tous les faits des récits
rapportés dans la bible sont-ils toujours historiques ?
Les
gardiens de l'austère orthodoxie ont eu bien du mal à faire face!
Après la mort de Pie X et la période troublée de la première
guerre mondiale, l'infaillible enseignement traditionnel allait recevoir un énorme
coup de boutoir venant du sein même de la maison, puisque qu'émanant
d'un jésuite, j'ai nommé Teilhard de Chardin. Il
n'est pas question ici de parler longuement de cet "hérétique" mais
simplement de le solliciter juste dans la mesure de notre objet d'étude. C'est
à propos du péché originel qu Teilhard de Chardin a commencé
à attirer la suspicion de ses supérieurs; Etant entré de
plain pied dans la science moderne, il n'a pas fait, il est vrai, dans la nuance,
en écrivant une "Note sur quelques représentations historiques possibles
du péché originel". (1922). Il y montre que pour s'accorder aux
connaissances modernes il s'avère nécessaire de s'éloigner
des représentations anciennes car la préhistoire ne cautionne pas
les figures traditionnelles d'Adam et Eve dans leur coin privilégié
de terre paradisiaque. Exit donc le couple originel et le monogénisme qui
y est lié. Et Teilhard propose ses vues tout à fait originales et
donc tout à fait inacceptables, pour la lettre du dogme ambiant.
Le couperet était inévitable. Rome l'obligea à renier ses
dires sur le péché originel et lui retira sa chaire de l'Institut
catholique. On doit considérer que même aujourd'hui, Teilhard de
Chardin , malgré quelques généreux compliments, n'a pas été
réhabilité. Hors du statut quo dogmatique, pas de salut! * Nous
terminerons par l'attitude de Pie XII qui s'est exprimé dans l'encyclique
"Humani generis".(1950). Il fut certainement plus ouvert aux sciences que
ses prédécesseurs mais cela ne l'empêcha pas de rester très
frileux sur le plan dogmatique. Ayant occulté sans doute l'affaire Galilée,
il regarda avec sympathie les progrès de l'astrophysique, avec les yeux
de Chimène même , car cela l'arrangeait et paraissait amener de l'eau
à son moulin. La théorie de l'expansion de l'univers qui donnait
à ce dernier une histoire, donc un nécessaire commencement, l'enthousiasma
car elle faisait un clin d'œil à la Genèse: " Il semble, en vérité,
que la science d'aujourd'hui, remontant d'un trait des millions de siècles
ait réussi à se faire le témoin de ce fiat lux initial…". En
ce qui concerne la théorie de l'évolution biologique la réserve
est de règle; Il est concédé que le corps humain puisse provenir
"d'une matière déjà existante et vivante", mais le corps
seulement. En aucune façon l'esprit peut émerger de la matière.
L'unicité d'Adam littéralement premier père de l'humanité,
ce qui implique le monogénisme, est réaffirmé sans ambiguïté
de même que le traditionnel péché originel; répétons
la citation de Pie XII déjà donnée à la fin de la
deuxième partie: "Mais
quand il s'agit d'une autre vue conjecturale qu'on appelle le polygénisme,
les fils de l'Église ne jouissent plus du tout de la même liberté.
Les fidèles en effet ne peuvent pas adopter une théorie dont les
tenants affirment ou bien qu'après Adam il y a eu sur la terre de véritables
hommes qui ne descendaient pas de lui comme du premier père commun par
génération naturelle, ou bien qu'Adam désigne tout l'ensemble
des innombrables premiers pères. En effet on ne voit absolument pas comment
pareille affirmation peut s'accorder avec ce que
les sources de la vérité révélée et les Actes
du magistère de l'Église enseignent sur le péché originel,
lequel procède d'un péché réellement commis par une
seule personne Adam et, transmis à tous par génération, se
trouve on chacun comme sien ". Il
est rappelé par ailleurs que les onze premiers chapitres de la Genèse
appartiennent "au genre historique en un sens vrai" Une obsession dans cette encyclique
est le statut du dogme; Pie
XII s'èlève contre ceux dont la philosophie à "l'existence
éphémère comme la fleur des champs" fait "du
dogme lui-même quelque chose comme un roseau agité par le vent".
Le "relativisme dogmatique" est un mal. La règle
d'or est "que le Christ a confié (le dépôt
de la foi) pour en assurer l'interprétation authentique, (…) au seul magistère
de l'Eglise". La sainte Ecriture, dit Pie XII est le "fondement de
nos sciences sacrées". Savants et théologiens peuvent discuter des
conjectures de l'évolution à condition qu'"in fine" "tous soient
prêts à se soumettre au jugement de l'Eglise".
[ Extraits
de l'encyclique "Humani Generis" ] Des
conseils sont donnés pour l'interprétation des écritures.
Leur vérité ne se limite pas aux données morales et religieuses
et il est nécessaire de tenir compte de la tradition, d'autre part il n'y
a pas lieu de démolir l'exégèse littérale par un exégèse
symbolique et de distinguer un sens divin et un sens humain dans les textes. Bref,
les avancées par rapport au début du siècle sont minces et
dans son dernier grand discours (1957) Pie XII se croit toujours au dessus de
la science : "Toute acquisition de la science, dit-il,
se situe sur un plan inférieur aux fins absolues de la destinée
personnelle de l'homme…". Il
nous reste à examiner maintenant comment les théologiens contemporains
essaient, héroïquement, d'assimiler les indigestes (pour eux!!) fruits
de la science. NB:
AT signifie Ancien Testament Bruno
Alexandre
Documents
annexes auxquels ce chapitre se réfère : [
Décret
Lamentabili Sane Exitu
] [
Extraits
de l'encyclique "Humani Generis"]
[
Extraits
de l'encyclique " Pascendi dominici gregis"]
|