CONCLUSION
Au
terme de cette étude il faut en souligner le caractère partiel.
Ainsi nous n'avons fait qu'effleurer l'exégèse scientifique qui
a fait basculer la façon ancienne d'interpréter les textes bibliques,
objet pourtant d'affirmations catégoriques dans les encycliques et conciles.
Même le canon biblique, solennellement défini a été,
pour certains textes, remis en cause suite à leur étude scientifique. D'une
vision concordiste et historicisante, on est passé à une vision
allégorique et théologique. Les anticipateurs de cette évolution
ont été excommuniés ou mis sur la touche; il est donc évident
que les papes qui ont sévi n'étaient pas inspirés par l'Esprit
Saint. Nous
avons laissé de côté les progrès de l'archéologie
qui, avec les autres sciences, est venue saper des certitudes qui étaient
implicitement considérées comme définitives. C'est ainsi
que toute l'histoire des patriarches est tombée au rang de "préhistoire
pieuse d'Israël". On doute même aujourd'hui de l'historicité
de Moïse!
et de bien d'autres personnages ou faits. (Cf « La
bible dévoilée de I. Finkelstein et N. A. Silberman) Ce qui, pendant
des siècles, avait été considéré comme historique
ne cesse de se rétrécir comme peau de Chagrin. De
tous côtés la science atteint les fondamentaux du système
chrétien et L'Eglise catholique, quant à elle, présente maintenant
un profil bas. De sa prétention à superviser une science catholique
elle est passée à laffirmation dune spécificité
des domaines, la théologie dun côté, la science de lautre.
L'attitude offensive a donc cédé la place à une attitude
défensive. Cette évolution, marquée par des reniements, essentiellement
au cours du dernier siècle, devrait la faire réfléchir LEglise
sur sa légitimité, c'est-à-dire sa soi-disant inspiration
d'origine divine. Quand
des actes officiels du magistère se trouvent démentis par les progrès
de la connaissance scientifique, cela prouve que cette dernière est supérieure
à l'inspiration qui a guidé la rédaction des dits textes
officiels. C'est dire tout simplement que ces textes sont, comme tous les autres,
de pures productions humaines dans lesquels Dieu n'a absolument rien à
voir. La
question du péché originel le démontre lumineusement comme
nous l'avons vu car nous avons affaire ici à un dogme que l'Eglise a défini
comme vérité intangible, inatteignable par le temps. Or la science
est en train de néantiser ce dogme par ses découvertes sur l'homme. Nous
avons vu que les tentatives actuelles de sauver ce dogme ne peuvent être
pertinentes car elles impliquent des changements de concepts qui ne touchent pas
seulement la forme mais aussi le fond. Le concept nouveau d'Adam par exemple n'a
plus rien à voir avec celui qui a régné jusqu'au 20ème
siècle. Or dans un dogme le fond ne peut pas changer sans que ce dogme
s'écroule de facto. D'ailleurs,
même si nous admettions que les nouvelles formulations n'apportent que des
changements formels, nous tomberions dans d'autres incohérences dogmatiques
présentant la même gravité. Insistons,
au risque de nous répéter. Si l'humanité, telle qu'on se
la représente aujourd'hui, a péché à un moment donné,
cela, implique nécessairement que Dieu a présenté à
cette humanité, d'une façon ou d'une autre un code de vie à
suivre. Pas de péché, en effet sans quelques lois ou préceptes
à respecter. Alors
quelle humanité préhistorique a péché? On ne peut
nier à l'homme du paléolithique supérieur, celui des grottes
de Lascaux ou de Chauvet, la qualification d'homme. Peut-on alors penser, sans
tomber dans le ridicule, que Dieu se soit révélé à
ces populations humaines, leur donnant, ou inscrivant dans leur cur, bien
avant Moïse, quelques tables de la loi pour les tester? Malgré
la finesse de leur conscience et la qualité de leur liberté, ces
hommes était encore bien démunis face à leur énigme
et celui de leur environnement naturel. Leurs connaissances étaient encore
bien rudimentaires. Dieu, dans ces conditions, a-t-il vraiment cru que la vertu
triompherait?
Non tout cela ne tient pas. La théologie moderne considère
finalement Dieu comme un ingénu qui aurait cautionné une création
progressive de l'humanité absolument incapable de relever un défi
moral , au moment choisi. En acceptant l'évolution biologique, la théologie
fait de Dieu un monstre moral car , dans ce paradigme, tout marché de Dieu
avec l'homme, ne pouvait s'avérer n' être qu' un marché de
dupes, quand bien même on choisirait la date de ce marché, tardivement,
sur l'échelle des temps géologiques. Les
connaissances scientifiques sur l'homme sonnent donc le glas du dogme du péché
originel et cela entraîne des conséquences d'une extrême gravité,
toujours sur le plan dogmatique. En effet, est atteint le dogme traditionnel et
central de la rédemption qui jusqu'au 20ème siècle a été
présenté comme le contrepoint de la chute originelle. Et là
aussi, même si l'on acceptait la survalorisation actuelle de l'incarnation
comme clé de la création, on retrouverait aussitôt, le Dieu
monstre moral dont je parlais, car comment raisonnablement imaginer un Dieu, avec
les attributs qu'on lui connaît, capable de concevoir le dessein si tortueux
d'une lente et douloureuse création, légitimant, en toute connaissance
de cause, douleurs et souffrances et de plus la cruauté du sacrifice d'un
fils, unique, pour que la félicité et la perfection finales voulues
soient atteintes? Si
deux dogmes de cette importance s'écroulent (un seul suffirait d'ailleurs),
tout s'écroule, et l'Eglise catholique devient, comme toutes les autres,
une institution purement humaine, avec toutes les faiblesses et imperfections
humaines. * * * Je
voudrais maintenant terminer sur ce qui me semble le plus décisif quant
à la question de croire ou de ne pas croire: la question du mal étroitement
liée aux dogmes étudiés. J'ai
déjà traité de ce problème dans le cadre des conceptions
traditionnelles de l'Eglise, dans le chapitre VIII de mon essai "Eglise qu'as-tu
fait de l'Evangile de la vie?". J'ai montré que l'existence du mal
sous ses formes les plus radicales du mal absolu (souffrances des enfants) parlait
contre l'existence de Dieu. Je n'y reviendrai pas [ Lire
chapitre "Dieu et le Mal" ] . Par contre il s'agit à
présent d'envisager, succinctement, la même question dans le cadre
des conceptions modernes voulant intégrer le fait de l'évolution
biologique. Contrairement
à ce que beaucoup pensent, avec Teilhard de Chardin comme initiateur, l'acceptation
de la conception évolutive innocente encore moins bien Dieu du mal de ce
monde que la conception traditionnelle (et je laisserai de côté la
question de l'enfer, autre exemple d'un total revirement doctrinal). La
conception classique en effet avait l'avantage apparent de faire porter la responsabilité
du mal sur l'homme initialement parfait ayant fait un mauvais usage de sa liberté.
Mais si Dieu n'a pas créé d'emblée un premier homme parfait
et une première femme parfaite, il lui aura donc fallu plus de 3 milliards
d'années (les plus anciens fossiles ont cet âge) pour créer
des hommes imparfaits, la perfection survenant dans un laps de temps inconnu,
à la fin du monde dont Dieu seul sait le jour et l'heure. Une telle durée
pour un résultat si douteux ne manque pas de surprendre et d'être
choquant au vu des attributs que l'Eglise donne à son maître. Il
y a une nette impuissance divine ou tout au moins une limitation du pouvoir de
créer s'il lui faut tant de temps à réussir un être
humain à partir de la matière inanimée. En
tout cas nous devons croire que Dieu a voulu, à moins qu'il ait créé
dans un moment d'inconscience, ce processus évolutif; et il l'a voulu en
toute connaissance de cause, comme il sied à sa nature, ne pouvant pas
ne pas savoir la somme de maux et de souffrances que cela coûterait à
l'homme. L'humanité primitive est loin en effet de s'être trouvée
dans un paradis! Si donc Dieu a voulu ce plan, il s'en suit immédiatement
qu'il est responsable du mal, puisque le mal dans cette optique est nécessairement
lié à une évolution vers le parfait. On ne peut donc plus
dire, comme dans la conception ancienne que Dieu n'a pas voulu le mal mais l'a
simplement permis. A
mon sens, la théologie moderne conduit l'Eglise à une impasse! Elle
la conduit à devenir hérétique, de par ses propres critères
et cela parce qu' elle implique un Dieu impuissant et mauvais ! Le
théologien voulait séparer le pourquoi et le comment, lorigine
et le commencement. (voir partie IV), alors devant le comment, explicité
par la science, il reste au prétendant à la foi à se poser
la question du pourquoi. Pourquoi, au point origine, visant la fin parfaite, Dieu
a-t-il voulu ce mécanisme évolutif si coûteux en souffrances
pour lhomme et pour Lui aussi (son fils Jésus) ? Obligatoirement
la quête sensée de Dieu doit passer par la résolution du problème
du mal et si le mal apparaît nécessaire cela ne peut être rationnellement
conciliable avec les attributs divins annoncés. La
réflexion sur le problème du mal conduit donc à la conclusion
de l'irrationalité de la foi qui se trouve être aussi un défi
à la morale. Bien sûr, libre à quiconque d'opter pour la croyance,
mais il faut alors avoir le courage intellectuel d'assumer ce qu'elle implique. Bruno
Alexandre Documents
annexes auxquels ce chapitre se réfère : [
Chapitre
"Dieu et le Mal" ] Autres
pages de l'auteur in situ : [
Quelques
Poèmes ]
[ Chapitre
"2 Espèces Humaines ?" ]
[
Chapitre
"Dieu, création du Cerveau" ]
[
Chapitre
sur le livre "Église, qu'as-tu fait de l'Évangile de la Vie
? ] |