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Leugénisme au service du libéralisme
Jacques Testard, l'auteur de l'article ci-dessous, et "père"
du premier bébé éprouvette, afficha il y a quelques
années son opposition au clonage thérapeutique et reproductif.
Nous ne partageons pas son opposition d'antan au clonage thérapeutique
- qu'il a récemment nuancée -, notamment du moment que
les embryons/cellules utilisés n'ont pas de projet parental (cf
: aucune intention [des parents] d'implantation dans un utérus).
«
Avant de sillustrer récemment dans la rubrique
« eugénisme » en affirmant le caractère inné
de certains troubles de conduite, Nicolas Sarkozy affichait son ostracisme
à légard des immigrés. Pourtant, ce serait
une erreur de croire que Sarkozy est dabord raciste, il est viscéralement
ultra-libéral. De même, légalité des chances et la discrimination positive induiront davantage de concurrence entre de nombreux postulants à lexploitation, et la carte de séjour temporaire indiquant la raison retenue pour importer chaque étranger est une façon enfin sérieuse de gérer le capital humain : les scientifiques ou footballeurs acceptés à limport dans la case « compétences et talents » mériteront bien une carte de trois ans renouvelable « pour le développement et le rayonnement de la France ». Bien sûr, la stratégie de prise du pouvoir peut aussi amener à faire plaisir aux électeurs sensibles à la démagogie anti-immigrés. Mais ces concessions tactiques cachent la philosophie de libre concurrence qui fonde le projet de société de Sarkozy. Car, au-delà des niaiseries racistes, les carences innées ou acquises sont à risque économique si elles créent des handicaps ou des dysfonctionnements qui entravent la compétitivité. Finies les sottises criminelles en vogue au siècle dernier sous le nom deugénisme. Les tolérances de Sarkozy pour les communautarismes religieux montrent quil ne hiérarchise pas les héritages culturels. Et si les femmes sont encore moins bien rétribuées que les hommes, cest la rançon de pesanteurs historiques aujourdhui indéfendables. Ainsi, lultralibéral accepte légalité biologique entre catégories humaines parce quelle multiplie les occasions compétitives en jetant dans le même sac (le même marché) tous les sexes, races, origines. En revanche, la proclamation dinégalités innées entre individus dune même catégorie permet de justifier les échecs, malgré tous les efforts dun pouvoir bienveillant et démocratique... Cest une des pesanteurs de la social-démocratie que de fonctionner avec le même moteur libéral et le même carburant scientiste que le capitalisme, mais sans avoir ni le goût ni laudace dassumer les exclusions... Par là sexplique peut-être la relative passivité qui a accueilli les propos récents de Nicolas Sarkozy sur le caractère inné de certains comportements. Des responsables politiques de gauche se sont débarrassés du vilain bébé eugénique en le remettant aux scientifiques. Comme si lenjeu était de démontrer une vérité définitive plutôt quaffirmer des convictions pour une société capable de gérer humainement les différences. Grâce à la science on pourra faire mieux dans lidentification et la sélection. Selon le souhait du gouvernement où siégeait Sarkozy on pourrait connecter ensemble tous les fichiers informatisés pour accéder à des éléments de la vie privée que le travailleur ou le chômeur auraient préféré dissimuler. Mais voilà que linformatique se marie avec la génétique : Google veut créer une base de données qui mettrait en ligne toute linformation disponible sur les génomes pour lavènement de « la médecine personnalisée », laquelle permettrait à chacun de gérer son existence en fonction de son capital génétique... et aussi à chaque employeur dévaluer « scientifiquement » son personnel. « IMMIGRATION CHOISIE » Nous nen sommes quà l« immigration choisie » mais, comme prévu il y a un demi-siècle par le généticien progressiste Hermann Muller (Prix Nobel en 1946), « leugénisme de la société future, libéré des traditions de caste, desclavage, de colonisation, pourra être une eugénique véritable et radicale ». Comme à Singapour où on récompense le mariage entre diplômés aussi bien que la stérilité des couples sans diplômes. Comme en Europe où, encore récemment, la stérilisation forcée ne visait pas tant la dissémination dune « tare génétique » que lincapacité du porteur à « assurer la subsistance de ceux quil pourrait engendrer ». Le philosophe américain Peter Singer a tiré profit des récentes connaissances génétiques : puisquil y aurait davantage de différences entre le génome dun trisomique et celui dun homme « normal » quentre le génome du même homme et celui dun chimpanzé, il faudrait utiliser des « mongoliens » plutôt que des singes dans lexpérimentation... Le futur des hommes sans qualités sillumine avec les propositions des « transhumanistes » pour enrichir le corps humain en nanoprocesseurs afin d« optimiser » les performances du muscle ou du cerveau. Le message dHermann Muller est en bonne voie pourvu quon ne perçoive pas leugénisme par la lunette étroite du racisme ou de lantisémitisme : dès quon saura produire les oeufs humains en abondance et sans instrumentaliser les femmes, le tri des pontes au laboratoire sera intensifié pour la sélection du meilleur bébé possible. Cette mise en compétition de leurs embryons permettra à chaque couple, et hors de toute suspicion de racisme, de remplir efficacement la case sarkozienne « compétences et talents »... avec confirmation grâce à des tests pratiqués dès lâge de 3 ans. La « cérémonie daccueil dans la citoyenneté », baptême tardif aujourdhui exigé pour les immigrés élus, fera alors place au combien plus précoce et scientifique Diagnostic génétique préimplantatoire (DPI), concours médical dentrée dans la jungle compétitive. Et ce tri biologique promettra encore légalité des chances pour tous les géniteurs, quelle que soit leur origine. Décidément, le libéralisme économique est bien lennemi de lhumanisme, et le scientisme est toujours son allié. » par
Jacques Testard
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