Les
origines du travail des enfants
...
C'est la pauvreté qui pousse les enfants à se charger de travaux
dangereux. Il est clair cependant que si les employeurs n'étaient pas
prêts à exploiter les jeunes, le travail des enfants n'existerait pas.
Les parents d'enfants travailleurs sont souvent au chômage ou sous-employés,
recherchant désespérément un emploi et un revenu sûrs. Pourtant, c'est
à leurs enfants qu'on offre des emplois parce que les enfants sont plus
désarmés, et qu'on les paye moins. En bref, note l'UNICEF, «les enfants
sont employés parce qu'ils sont plus faciles à exploiter». L'évolution
des éonomies nationales et internationales ces dernières décennies ont
a eu pour effet d'accentuer les inégalités et la pauvreté. Pendant les
années 80, l'endettement de l'État et les politiques économiques internes
déraisonnables menées par de nombreux pays en développement, alliées à
la récession, ont causé la crise économique. Les programmes d'ajustement
structurel mis en œuvre dans beaucoup de pays ont entraîné une compression
des dépenses affectées à la protection sociale qui a frappé les pauvres
d'une manière disproportionnée. Au Zimbabwe, le gouvernement comme l'Organisation
internationale du Travail (OIT) font un lien direct dans leurs rapports
entre programme d'ajustement structurel du pays et explosion du travail
des enfants. Les programmes d'ajustement structurel ont été progressivement
modifiés dans le souci d'atténuer leurs effets sur les populations vulnérables.
Dans les nouveaux accords conclus entre les gouvernements et les institutions
financières internationales, les crédits publics à l'enseignement primaire
et aux autres services sociaux de base bénéficient d'une protection accrue.
Les politiques et les priorités nationales contribuent aussi au problème.
Les restrictions dans les budgets sociaux ont porté un coup particulièrement
dur à l'éducation la meilleure alternative au travail des enfants. Dans
les pays qui ont connu des difficultés économiques ces dix dernières années,
les dépenses d'éducation par habitant ont nettement diminué. Dans toutes
les régions, les dépenses par étudiant dans l'enseignement supérieur ont
baissé au cours des années 80, de même qu'en Afrique et en Amérique latine
les dépenses par élève du primaire.
L'éducation manque de toute évidence de crédits. Pourtant ce n'est
pas seulement d'une pénurie de ressources que souffre le système scolaire
tel qu'il se présente dans la plupart des pays en développement. Il est
trop souvent rigide, avec des méthodes peu stimulantes et des programmes
inutiles aux enfants car trop éloignés de leur vie. C'est pourquoi il
s'avère encore plus difficile de garder les enfants à l'école que de les
y inscrire: dans le monde en développement, 30% des enfants qui entrent
à l'école primaire n'achèvent pas leur scolarité, chiffre qui atteint
60% dans certains pays. «L'éducation fait désormais partie du problème»,
dit le rapport. «Il faut qu'elle renaisse pour contribuer à la solution.»
Les coutumes et les préjugés sociaux jouent également leur rôle
pour pousser les enfants vers les travaux dangereux. Plus les emplois
sont durs et dangereux, plus on aura tendance à les considérer comme le
lot des pauvres et des défavorisés, des classes inférieures et des minorités
ethniques. En Europe du Nord, par exemple, il y a toutes les chances que
les enfants au travail soient des Turcs ou des Africains; en Argentine,
on trouvera des Paraguayens et des Boliviens, alors qu'en Thaïlande, beaucoup
viennent du Myanmar. Une culture de plus en plus orientée vers la consommation,
avec une forte attente de biens de jouissance immédiate, peut aussi éloigner
les enfants de l'école et les lancer dans le monde du travail. «Le respect
des différentes cultures», précise le rapport, «ne devrait pas nous dissuader
d'utiliser tous les moyens à notre disposition pour convaincre l'ensemble
des sociétés, économies et entreprises que l'exploitation des enfants
est inadmissible.»
Les
formes du travail des enfants
Le
travail des enfants revêt des formes très diverses qu'on peut classer
en sept grands types, aucun n'étant propre à une région du monde en particulier:
le travail domestique, le travail forcé et le travail en servitude, l'exploitation
sexuelle à des fins commerciales, le travail dans l'industrie et les plantations,
les métiers des rues, le travail familial et le travail des filles.
Les enfants les plus vulnérables et les plus exploités les plus
difficiles aussi à protéger sont probablement les enfants domestiques.
Ils sont souvent très mal payés, voire pas du tout; leurs conditions de
travail dépendent entièrement du bon vouloir de l'employeur, au mépris
de leurs droits; ils sont privés d'école, de jeu et d'activité sociale,
ainsi que du soutien psychologique de leur famille et de leurs amis. Qui
plus est, ils sont exposés à la violence physique et aux abus sexuels.
Du fait de leur isolement, il est difficile d'estimer de façon fiable
leur nombre dans le monde. Des enquêtes locales peuvent cependant donner
une idée de l'ampleur du problème. Selon une enquête sur les ménages à
revenu moyen à Colombo (Sri Lanka), une famille sur trois emploie un enfant
de moins de 14 ans comme serviteur. On a établi qu'en Uruguay, 34% des
employés de maison avaient commencé à travailler avant d'avoir 14 ans.
Le travail en servitude se rencontre surtout, mais pas exclusivement,
en Asie du Sud: des enfants qui n'ont souvent pas plus de huit ou neuf
ans y sont remis en gage par leurs parents à des propriétaires de fabriques
ou à leurs agents en échange de petits prêts. La servitude de toute une
vie n'arrive même pas à réduire la dette. En Inde, ce type de transaction
est fréquent dans l'agriculture, ainsi que dans les industries comme la
fabrication de cigarettes (beedi), le tissage des tapis, la production
d'allumettes, les carrières d'ardoise et l'industrie de la soie. Le cas
le plus connu est l'industrie des tapis de Mirzapur-Bhadohi-Varanasi dans
l'Uttar Pradesh. D'après une étude récente, les enfants sont «tenus en
captivité, torturés et obligés de travailler d'affilée jusqu'à 20 heures
par jour. De tout jeunes enfants sont contraints de rester accroupis tous
les jours, de l'aube au crépuscule, ce qui compromet gravement leur croissance
pendant les années de formation».
En raison du secret qui entoure l'exploitation sexuelle d'enfants
à des fins commerciales, il est difficile de réunir des données dignes
de foi sur cette industrie illégale qui brasse des milliards de dollars.
Mais les ONG sur le terrain estiment que chaque année dans le monde, au
moins un million de jeunes filles sont ainsi piégées ou forcées de se
livrer à cette forme d'exploitation qui confine à l'esclavage. Les garçons
aussi sont souvent exploités. Par les dommages physiques et psychosociaux
qu'elle inflige, l'exploitation sexuelle est sans conteste l'une des pires
formes du travail des enfants. Les enfants qui y sont soumis encourent
quotidiennement de graves risques pour leur santé: VIH, maladies sexuellement
transmissibles, grossesses non désirées et toxicomanie, sans parler des
maladies respiratoires. Tous les secteurs sociaux ont leur part de responsabilité.
Des familles dont la mission normale est de soigner et d'élever les
enfants, d'assurer leur développement s'en font parfois complices. Les
recherches montrent que les violences contre les enfants et l'inceste
précèdent souvent l'exploitation sexuelle d'enfants à des fins commerciales.
Outre les clients qui payent pour des relations sexuelles, les autres
coupables sont nombreux: trafiquants, agents, intermédiaires qui bénéficient
de la vente des enfants, gangs criminels qui exploitent les maisons de
prostitution. Sans oublier les agents de voyages qui organisent des circuits
du sexe, et tous ceux qui ferment les yeux, comme les fonctionnaires corrompus
ou apathiques. Après des décennies de véritable conspiration du silence
dans toutes les cultures, le problème apparaît aujourd'hui en pleine lumière.
Le Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle d'enfants à des fins
commerciales (Stockholm, 1996) a placé pour la première fois cette question
à l'ordre du jour international. Le Programme d'action adopté par les
participants guidera les gouvernements dans la mise au point de programmes
nationaux de lutte contre ce problème.
Dans le monde entier, des enfants travaillent dans l'industrie
et les plantations dans des conditions périlleuses. Les produits nocifs
ou les machines mal réglées menacent bien sûr leur intégrité physique,
mais ces travaux nuisent de manière générale au développement psychologique
et social des enfants. Les industries employant de la main-d'œuvre enfantine
sont très variées. Cela va du cuir dans la région de Naples (Italie) à
la fabrication préindustrielle de briques au Pérou et en Colombie, où
l'on trouve des enfants ayant à peine huit ans. Le nombre d'enfants exploités
dans des plantations aux quatre coins du monde est certainement tout aussi
élevé. Ce genre de travail implique de terribles dangers. Dans les plantations
sucrières au Brésil, par exemple, les enfants coupent les cannes à la
machette, une tâche épuisante où ils risquent constamment de se mutiler.
Dans certaines régions, les enfants représentent un tiers de la main-d'œuvre,
et plus de 40% des accidentés du travail. Au Népal, les petits employés
des plantations de thé ont des salaires si bas qu'ils doivent souvent
travailler 14 heures par jour.
La rue peut être un lieu de travail cruel et dangereux, menaçant
souvent la vie même des enfants. Beaucoup de gamins luttent pour exercer
dans la rue un travail légal afin d'assurer leur survie ou celle de leur
famille. Ils cirent les chaussures, lavent et gardent les voitures, portent
des colis, vendent des fleurs et des colifichets, ramassent les objets
recyclables et trouvent une multitude d'autres manières ingénieuses de
gagner un peu d'argent. La grande majorité rentrent chez eux chaque soir,
dans les quartiers misérables ou les bidonvilles: ce sont des enfants
dans les rues, pas des enfants des rues.
L'occupation la plus fréquente des enfants dans le monde reste
le travail dans et pour la famille: travaux agricoles ou ménagers au domicile
des parents. Or, s'il est bon pour un enfant de participer dans une mesure
raisonnable aux activités du foyer, ce qui lui donne conscience de sa
valeur, on exige malheureusement souvent beaucoup trop de lui. De trop
longues heures de travail empêcheront l'enfant d'aller à l'école, et entraveront
son développement corporel.
Ce rapport examine enfin la situation particulière des jeunes filles
au travail; c'est à elles que revient une large part des tâches à accomplir
à la maison. La plupart des risques professionnels qui pèsent sur les
garçons menacent aussi les filles. Mais en plus les filles ont des problèmes
spécifiques, depuis les pressions sexuelles des employeurs jusqu'à l'exclusion
de l'éducation. D'après le BIT, 56% des enfants qui travaillent dans le
monde en développement sont des garçons. Mais si l'on pouvait mesurer
le nombre de filles accomplissant un travail non enregistré en tant
que domestiques ou pour assurer les corvées ménagères chez elles et permettre
ainsi à d'autres membres de la famille d'occuper un emploi rémunéré
les chiffres montreraient qu'il y a en réalité au travail plus de filles
que de garçons. Travaillant également en moyenne plus d'heures que les
garçons, elles ont donc un double fardeau à porter un emploi hors de
la maison et des tâches ménagères à leur retour au foyer.
www.enfantsducambodge.com
www.unicef.org
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