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PARTIE I - IntroductionL'Évolution, une évidence observable
PARTIE IIIL'Embryologie, mémoire de l'évolution
Partie IVVestiges et Fossiles, traces de l'évolution
Partie VL'Anatomie comparée, les homologies
Partie VILes Imperfections de la Nature
Partie VIILes Gènes et Molécules
Partie VIIIL'Expérimentation
Partie IXLa Biogéographie
Partie IXLes Spéciations

La FORMATION d'ESPÈCES
Preuves absolues sous nos yeux

Autres PreuvesAutres preuvesAutres Preuves

 

L'évolution est un processus en cours, mais observer l'évolution - ou une spéciation (la formation d'une nouvelle espèce) - du début à la fin de son processus est plus que difficile: le temps dont dispose chaque humain est très bref, une vie.
Ce temps d'observation bien trop court limite l'humain soit à expérimenter sur des espèces à fécondité rapide telles les souris et les mouches, ultra-rapide tels les micro-organismes ; soit à observer l'évolution à travers ses résultantes sur les organes et organismes ; soit à se contenter des descendants d'intermédiaires structuraux - comme ceux abordés dans les chapitres précédents - qui tous démontrent l'évolution.
De flagrantes spéciations en cours peuvent cependant être observées tout autour de nous, notamment dans la flore et faune de certaines îles, par des sous-espèces isolées géographiquement entre elles qui ont déjà "instauré" une barrière précopulatoire: le chant
de certaines populations d'oiseaux a tant divergé qu'il n'est plus attractif pour la femelle de l'espèce souche. D'autres enfin, sans isolement géographique, ont subi une altération de leur comportement rendant leur reproduction avec l'espèce souche plus qu'improbable.
Des exemples de processus dénotant d'une spéciation en cours ne sont pas rares : ils sont observables à chaque instant, un peu partout, loin et près de nous, dans les populations vivantes et jusqu'en laboratoire, à l'intérieur d'autres organismes...
Malgré cela, quelques exemples de spéciations terminées côtoyant l'espèce souche (=> preuve absolue d'évolution !) ont pu être observées sur une période de temps historique, dont un humain peut témoigner. Celles présentées dans cette page confinent pour certaines de l'évolution par « sauts », ou changements brusques sur le phénotype suite à des remaniements chromosomiques, des altérations de gènes du développement, l'expression de nouvelles protéines et enzymes, etc. Pour d'autres elles relèveraient plutôt de "micro-évolutions", ou modifications alléliques au sein des populations, des changements de stratégies de reproduction, etc.
Mais tous ces exemples de spéciations ont un point commun: ce sont des passages d'une espèce souche à une nouvelle espèce visibles, vérifiables et indéniables, car ces nlles espèces et leur souche sont encore en vie.

 

 

Un exemple de spéciation en cours
Preuve absolue, observée à la campagne, de l'évolution

La souris sylvestre américaine (Peromyscus maniculatus) forme un flux génétique entre 4 populations distinguées en sous-espèces (P maniculatus borealis, P m nebrascensis, P m sonorienses, et P m artemisiae). Celles-ci sont morphologiquement assez ressemblantes, vivent dans des régions différentes, mais se côtoient en certaines zones.

La particularité de ces 4 populations est leur interfécondité conditionnelle, appelée parfois cline. Conditionnelle car certaines populations peuvent se reproduire avec d'autres, mais certaines ne le peuvent plus. Le flux génétique faible allant d'une variété géographique à l'autre extrême est discontinu. Il suffirait donc que les sous espèces par lesquelles le flux génétique passe s'éteignent un jour (P maniculatus nebrascensis et sonorienses), pour qu'il ne reste plus que les deux sous-espèces incapables de se croiser entre elles : P maniculatus borealis et artemisiae. N'ayant plus de flux génétique entre elles, ces dernières formeraient alors deux espèces biologiques ou génétiques distinctes. Le schéma ci-dessous explique clairement la problématique. (Exemple de spéciation inachevée/flux génétique transmis par Hans, que nous remercions).

Peromyscus maniculatus borealis PEUT se reproduire avec Peromyscus maniculatus nebrascencis. Peromyscus maniculatus nebrascencis PEUT se reproduire avec Peromyscus maniculatus sonoriensis  Peromyscus maniculatus sonoriensis PEUT se reproduire avec Peromyscus maniculatus artemisiae Peromyscus maniculatus artemisiae NE PEUT PAS se reproduire avec Peromyscus maniculatus borealis
( Survolez avec votre souris les zones des différentes populations de... souris )

 

Évolution sur une période de quelques décennies
Preuve absolue, observée à la campagne, de l'évolution

Le crapaud géant ou marin, (Bufo marinus), introduit il y a 70 ans en Australie pour y lutter contre les ravageurs de la canne à sucre, poursuit ses ravages contre la faune locale et accélère même sa progression, préviennent des chercheurs dans la revue Nature à paraître jeudi.

Ce crapaud à la peau jaune et grumeleuse, qui peut atteindre un poids de 2 kg, voit ses pattes grandir en Australie, ce qui lui permet de conquérir de nouveaux territoires de plus en plus rapidement, selon une équipe de zoologistes de l'université de Sydney, dirigés par Richard Shine.
Plus grand batracien du monde, originaire des Antilles, toxique, et qui pond de 5.000 à 10.000 oeufs par an, cet animal appelé aussi crapaud buffle ou bufo géant a été introduit en Australie pour éliminer les insectes attaquant la canne à sucre. Il occupe désormais plus d'un million de kilomètres carrés où il s'attaque à la faune locale (autres batraciens, reptiles, rongeurs), la faisant disparaître.

Or les chercheurs ont constaté que les nouvelles générations ont des pattes plus longues que leurs ancêtres, ce qui leur permet de progresser d'autant plus vite. Les zoologistes ont étudié le déplacement de ces crapauds à 60 km à l'est de Darwin, dans le nord du pays : les premiers à arriver aux points de contrôle, qui avaient parcouru jusqu'à 1,8 km par nuit, avaient des membres plus longs que ceux parvenus plus tard.
Selon les chercheurs, ce changement de morphologie explique pourquoi la vitesse de progression du crapaud marin s'est nettement accélérée au fil des années, passant de 10 km par an entre les années 1940 et 1960 à 50 km par an actuellement.
« Ces changements rapides dans la morphologie du crapaud, sa vitesse de locomotion et sa rapidité à occuper de nouveaux territoires, montrent que les biologistes et les gestionnaires spécialisés dans la conservation des espèces devraient examiner avec attention la possibilité qu'ont des organismes envahissants de s'adapter rapidement », estiment les chercheurs.
(Agence France-Presse, Paris, 2006)

 

Évolution sur une période de 11 ans
Preuve absolue, observée en aquarium, de l'évolution

Les guppies, petits poissons tropicaux bien connus des aquariophiles, peuvent évoluer, en cas de crise (pollution, augmentation de la population de prédateurs, destruction du milieu, etc.), entre dix mille et dix millions de fois plus vite que le cours normal de l'évolution. C'est ce que vient de démontrer le biologiste David Reznick, de l'université de Californie, à Riverside (Etats-Unis).
Le chercheur a étudié plusieurs populations de guppies de l'île de la Trinité, aux Antilles. Les poissons, qui se déplacent de bassin en bassin pour échapper à leurs prédateurs (notamment les cichlidés), évoluent à une vitesse surprenante: en dix-huit générations - soit onze ans - les guppies qui ont trouvé un "havre de paix" sont devenus plus gros et plus colorés que ceux, plus petits et plus fertiles, qui étaient constamment soumis à la menace de prédateurs.
(réf: La Recherche, 2002)

 

Évolution sur une période de 20 ans
Preuve absolue, observée dans un lac, de l'évolution

Le processus qu’est l’évolution biologique est l’un des plus lents de la nature. L’intervention de l’homme peut cependant induire une accélération de ce processus. C’est ce que suggère une étude menée sur une espèce de poisson, dénommée Cynotilapia afra.
Chez beaucoup d’animaux, la formation de nouvelles espèces prend des milliers d’années. Les poissons cichlidés sont pour leur part connus pour avoir un rythme rapide d’évolution. Les cichlidés du Lac Malawi (Afrique) auraient engendré 1000 espèces en seulement 500.000 ans.
Dans les années 60, des individus de l’espèce Cynotilapia afra ont été involontairement introduits dans le Mitande Point, un site du Thumbi West, une île du lac. En 1983, l’espèce n’avait pas bougé du Mitande Point. Mais lorsque J. Todd Streelman et ses collègues du Georgia Institute of Technology vinrent sur l’île en 2001, la situation avait changé : Cynotilapia afra avait évolué, en moins de vingt ans, en deux populations génétiquement distinctes et différemment colorées, une située dans la partie nord de l’île et l’autre dans la partie sud.
Il s’agit d’un exemple fort d’évolution induite par l’homme, constate Streelman. Ce cas s’ajoute à une liste incluant le saumon, les mouches et les plantes, pour lesquels l’action humaine a induit une évolution à un rythme qui n’avait jamais été observé auparavant.
(réf : L’étude sur le sujet est publiée dans l ‘édition du 13 août 2004 de la revue Molecular Ecology.)

 

Formation d'espèces en laboratoire
Preuves absolues, observées en labo, de l'évolution

Harryton L. Carson a proposé un modèle de spéciation par un individu fondateur, une espèce fécondée par ex., capable de produire de nombreux descendants sexués, qui arrive par hasard dans un environnement oì il n'existe pas de compétition avec les espèces concurrentes. Ce modèle propose l'alternance de phases d'expansion et de réduction des effectifs. C'est ainsi que les îles Hawaï, colonisées vraisemblablement lors de tempêtes par des drosophiles venant du continent, ont rapidement donné de nouvelles espèces.
Mais comment le vérifier ?

J. R. Powell suivit donc le protocole d'expérience suivant :

A. Un lot de 4 populations séparées de Drosophiles (Drosophila pseudoobscura) placées dans des cages à populations (20 femelles et 20 mâles) fut mis dans les conditions permettant une expansion rapide.
Puis au maximum de l'expansion, on provoqua un étranglement artificiel des effectifs en choisissant 12 couples pour former 12 nouvelles populations fondatrices qui subirent une nouvelle expansion.
=> 15 générations après le premier étranglement des effectifs, les tests d'isolement reproductif ont montré que sur 45 combinaisons une seule montrait quelque degré d'isolement comportemental.
B. 8 des 12 populations furent ensuite soumises à trois nouveaux cycles d'expansion-étranglement.
=> 15 générations après le dernier étranglement d'effectif, on n'observa pas d'isolement post-accouplement, mais 3 des 8 pepulations fondatrices montraient un isolement comportemental pré-copulatoire qui se maintint ultérieurement. Des populations de contrôle, non soumises aux alternances expansion-étranglement, n'ont montré aucune trace d'isolement reproductif.

Cet exemple illustre la très grande importance de la réduction des effectifs dans le phénomène de divergence évolutive, puis de spéciation...
(C. Devillers - J. Chaline, La Théorie de l'évolution, Bordas, 1989)

 

 

Naissance d'espèces observée sur le terrain
Preuve absolue, observée dans la nature, de l'évolution

En 1970, la preuve tant recherchée d'une naissance d'espèce dans la nature est enfin observée. Thomas Dobzhansky et ses collaborateurs (dont notamment Francisco Ayala) ont pu observer tous les stades de la différenciation génétique menant de la variété à l'espèce, dans un groupe d'espèces de drosophiles d'Amérique du Sud, appelé le groupe de Drosophila willistoni (d'après le nom de l'une d'elles qui semble avoir été l'espèce-souche).

Ces stades comprenaient, dans l'ordre de différenciation génétique croissante, la variété locale, la race, la sous-espèce, la semi-espèce, l'espèce naissante ou espèce jumelle (car encore indistinguable morphologiquement de l'espèce-souche, bien que ne se croisant plus avec elle), puis l'espèce nouvelle morphologiquement distincte.
Francisco Ayala a même pu chiffrer le degré de divergence génétique de chacun des stades, en estimant la proportion de gènes dans leur patrimoine génétique ayant subi le processus de remplacement de variantes génétiques par d'autres. Ainsi, dans le groupe de Drosophila willistoni, les variétés locales ou les races n'avaient subi de processus de remplacement d'allèles (variantes génétiques) qu'au niveau de 3 gènes sur 100, en moyenne. Les sous-espèces avaient subi un remplacement d'allèles au niveau de 23 % des gènes; les semi-espèces présentaient pratiquement le même chiffre (ce qui s'explique par le fait qu'une semi-espèce diffère surtout d'une sous-espèce par le comportement de préférence sexuelle pour des partenaires appartenant à la même semi-espèce, comportement dont le déterminisme génétique ne met probablement en jeu que peu de gènes). Chez les espèces " jumelles", un remplacement d'allèles s'était produit au niveau de 58 gènes sur 100.
Et entre espèces morphologiquement distinctes, 100 % des gènes ne présentaient plus du tout les mêmes variantes.

 

GROUPE DE DROSOPHILA WILLISTONI

 D. paulistorum Drosophila paulistorum
 Drosophila paulistorum
Drosophila paulistorum
 Drosophila paulistorum
Drosophila paulistorum
Drosophila paulistorum
D. pavlovskiana Drosophila pavlovskiana
D. equinoxialis Drosophila equinoxialis equinoxialis
 Drosophila equinoxialis caribbensis
 D. insularis Drosophila insularis
D. tropicalis Drosophila tropicalis tropicalis
  Drosophila tropicalis cubana
 D. willinstoni  Drosophila willistoni willistoni
Drosophila willistoni quechua

Légende :
  Isolement reproductif incomplet, pas d'isolement éthologique
  Isolement reproductif incomplet, isolement éthologique
  Stade espèce, isolement reproductif complet

 

Cette différenciation génétique croissante allait de pair avec une difficulté croissante de la réussite des croisements: les membres de races différentes au sein d'une espèce n'avaient aucune difficulté à se croiser; avec les membres de sous-espèces différentes, de légers problèmes de stérilité commençaient à apparaître; ils devenaient plus nets avec les semi-espèces; et la stérilité totale caractérisait les croisements entre espèces jumelles.
(M. Blanc, Les Héritiers de Darwin, Seuil, 1990)

 

 

Les espèces jumelles
Preuve absolue, observée dans la nature, de l'évolution

Lorsque la mouche Drosophila pseudoobscura fut découverte et décrite on se rendit compte que le croisement de certains individus produisait des mâles stériles tandis que les femelles étaient fertiles. Il existait donc en son sein deux catégories d'individus que l'on regroupa sous le terme de race A et race B.

Rien dans leur apparence ne permettait au début de les distinguer, cependant le chromosome de la variété A est en forme de J et celui de la variété B en forme de V. Dans la nature les deux "variétés" coexistent sur de vastes territoires sans que les individus se reproduisent entre eux. A force d'études les différences morphologiques discrète pour l'oeil humain furent identifiées (tailles des ailes et appareil reproducteur externe du mâle). On en fit alors deux espèces différentes : Drosophila pseudoobscura et Drosophila persimilis. L'écologie des deux espèces montre également des différences. Drosophila persimis a une distribution plus nordique, se rencontre plus souvent à une altitude élevée et montre une préférence pour les températures plus froides. Les femelles des deux espèces n'atteignent pas la maturité sexuelle au même âge. Enfin l'amputation des antennes des femelles réduit fortement leur capacité à reconnaître les mâles de leur propre espèce la distinction se fait donc à l'odeur. Les deux espèces représentent donc deux complexes génétiques différents même si les individus sont d'aspect très semblables : ce sont des espèces jumelles.

 

 

Passage d'une espèce à une autre
Preuve absolue, observée dans la nature, de spéciation

Jusqu'en 1937, toujours pas de preuves directes du passage d'une espèce à une autre. Les travaux des généticiens des populations avaient déjà établi qu'il existe une certaine différenciation génétique au sein des espèces. Autrement dit, l'évolution n'était jusque-là que la modification génétique des populations à l'intérieur d'une espèce. Or, ce que l'on entend par " évolution des espèces " depuis Lamarck et Darwin est bien plus que cela : il s'agit du processus de passage d'une espèce à une autre, de descendance. Darwin n'avait apporté sur ce point que des arguments théoriques, des déductions à partir des hésitations des taxinomistes travaillant sur spécimens, et une réflexion sur la descendance et les capacités de la sélection artificielleà modifier les formes des animaux domestiques. L'affirmation selon laquelle une variété ou une race géographique, approfondissant sa différenciation génétique, donnait une nouvelle espèce, n'était qu'une extrapolation théorique.

L'ornithologue Ernst Mayr apporta cette preuve en étudiant la distribution géographique de nombreuses espèces d'oiseaux de par le monde, et notamment dans les îles du Pacifique. Il rapporta de nombreux exemples d'observations de populations d'oiseaux où l'on pouvait voir le passage " sur le terrain " d'une espèce à une autre, dont le plus célèbre exemple, devenu un classique de la théorie néo-darwinienne, ne concerne pas les oiseaux du Pacifique, mais des oiseaux d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord : les goéland argenté (Larus argentatus) et goéland brun (Larus fuscus).

Larus fuscus  Larus argentatus

Le goéland argenté (à droite) est un gros oiseau blanc aux pattes roses, dont le dessus des ailes est gris-bleu (65 cm de long, 1,40 m d'envergure). Sa distribution géographique part du nord-est de la Sibérie jusqu'au Kamtchatka, gagne l'Amérique du Nord, pour revenir, via l'Atlantique, sur les côtes européennes de la mer du Nord et de la Baltique.
Le goéland brun (à gauche) est plus petit (50 cm de long pour 1,30 m d'envergure); son corps est blanc lui aussi mais avec le dessus des ailes brun et des pattes jaunes. Sa distribution est limitée aux côtes de la mer du Nord et de la Baltique, où il se retrouve avec le goéland argenté.

Le goéland brun est en fait une espèce descendant du goéland argenté par évolution, et il existe au nord de la Russie et de la Sibérie une population de goéland qui est d'apparence extérieure intermédiaire entre les deux espèces: les taxinomistes lui ont donné le statut de sous-espèce mais la classent ou bien avec Larus argentatus, ou bien avec Larus fuscus. Il s'agit donc de Larus argentatus heuglini pour certains auteurs; ou de Larus fuscus heuglini pour d'autres auteurs. Comment débrouiller cette situation complexe? Heureusement, les naturalistes, et en particulier Ernst Mayr, ont établi, grâce à leurs observations sur les populations naturelles, une définition biologique de l'espèce: une espèce est formée par les populations dont les membres s'entre-croisent de manière habituelle (c'est une communauté sexuelle exclusive). Cela signifie qu'à l'inverse dès l'instant où l'on n'observe pas de croisement régulier entre deux populations, on a affaire à deux espèces distinctes. Ainsi les populations de Larus argentatus et de Larus fuscus se comportent comme des espèces parfaitement distinctes sur les côtes de la mer du Nord et de la Baltique: elles occupent à peu près les mêmes lieux (sommets des falaises, etc.), mais leurs membres ne se croisent pratiquement jamais. Ce n'est pas encore des espèces cloisonnées génétiquement : en captivité on peut les faire s'accoupler et obtenir des hybrides eux-mêmes fertiles. Ce qui indique bien que Larus argentatus et Larus fuscus sont des espèces très voisines, dont les patrimoines génétiques ont peu divergé. En fait, Si ces deux espèces ne se croisent pas dans la nature, c'est qu'elles n'ont pas exactement le même comportement, ni le même mode de vie:

  • Le goéland argenté est agressif, sédentaire, mange tous les déchets rejetés par la mer
  • Le goéland brun est timide, migrateur, et se nourrit essentiellement de poissons.
  • En outre, quand les deux espèces font des nids dans un même lieu, les membres de chacune d'entre elles se regroupent entre eux.

Tout cela conduit Larus argentatus et Larus fuscus à ne pratiquement jamais se croiser et c'est ce que Mayr appela la spéciation géographique (ou encore allopatrique).

Selon ce modèle explicatif, une espèce est composée de nombreuses populations distribuées sur un territoire plus ou moins vaste: elles peuvent être suffisamment différenciées pour être considérées comme des races ou des sous-espèces. Certaines de celles-ci, par le hasard des migrations, peuvent être conduites à occuper une région éloignée, séparée du territoire d'origine par une barrière géographique: chaîne de montagnes, détroit, rivière, grand lac... Cette population, Si elle trouve alors des conditions de milieu assez différentes de celles prévalant pour le reste de l'espèce, va présenter des modifications génétiques l'adaptant à un nouveau milieu (par le jeu de la sélection des allèles les plus avantageux).
(M. Blanc, Les Héritiers de Darwin, Seuil, 1990)

 

 

Oour polaire et ours brun
Preuve à conviction d'une spéciation inachevée

Les deux espèces d'ours représentées ci-dessous, l'Ours polaire, (Ursus maritimus) et l'Ours brun (Ursus arctos) habitent tous les deux l'hémisphère Nord. Le premier les régions circumpolaires arctiques, le deuxième la frange inférieure jusqu'aux climats tempérés. Ces deux espèces sont nettement distinctes et leur habitat ne se recoupe pas. Anciennement, l'ours blanc était même classé dans un genre distinct, le genre Thalarctos.

Ours blanc et Ours brun
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Et pourtant, malgré leurs évidentes différences morphologiques, les zoologues et systématiciens ont dû réviser leur classification : un couple composé d'un ours blanc et un ours brun, tous deux en captivité dans un cirque, donnèrent naissance à de petits oursons en parfaite santé qui furent même capables de se reproduire ! Ce qui n'est pas le cas lorsque deux espèces, pourtant très proches comme par exemple une lionne et un tigre, ont une descendance hybride nommée tigron : le bébé hybride se portera généralement bien, mais sera incapable de se reproduire avec un individu de l'espèce souche.
La spéciation de l'ours polaire est donc très récente, peut-être moins de 200 000 ans, époque où survint la séparation d'un petit groupe d'ours bruns puis une "rapide" adaptation de ceux-ci à la vie dans un environnement de glaces. Par la nette divergence évolutive de ces deux ours - géographique, morphologique, éthologique, etc. - les systématiciens continuent donc à les considérer comme deux espèces différentes.
Notons qu'avec cet exemple d'une des plus remarquables et récentes spéciations connues, c'est aussi une des plus "arbitraires" distinctions, car vraiment à la frontière entre espèce et sous-espèce, que nous puissions constater.

Questions aux créationnistes et tenants du "dessein intelligent" :
Cette spéciation de l'ours blanc et son interfécondité avec l'ours brun n'est explicable que par l'évolution, est-ce un amusant pied de nez aux espèces bien séparées de l'arche de Noé, ou le sens de l'humour divin ?

 

Rafael Terrón

 

 

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